Bienvenue dans le forum de Zarlif
La voie Kastem, dite la ronde

Un éveil pointu

Page [1]
Détails
Sujet lancé par Saerass Telmar
Le 19-06-1510 à 20h33
2 messages postés
Dernier message
Posté par Saerass Telmar,
Le 20-06-1510 à 10h40
Voir
 
Saerass Telmar

Le Sukra 19 Jayar 1510 à 20h33

 
"Il pleuvait hier entre les bras d'une mère. Blottis contre sa peau ruisselante, ses enfants tremblaient de froid, comme la faim engourdissait leurs esprits rebelles.
Depuis longtemps, chacun seul et malheureux, ils n'avaient pour se nourrir que la misère de leurs frères et soeurs. Affamés, le luxe du choix fut privé de leur vie.

Tristes et sales, persécutés presque, par l'étau maternel de ces bras protecteurs ; leur taille au fil des décennies et des siècles, s'étendait, maigre et froide, rongeant la chair à l'histoire de vie figée désormais dans la mort.
Il s'étendaient, leurs coeurs germaient lentement, aspirant aux ailes de ces lointains oiseaux perçant parfois la brume, seule connaissance du monde. Mais pourtant blottis entre ces éternels membres de fer, ils étouffèrent.

L'espace ! Non ces étoiles qu'ils n'aperçurent jamais ; mais de cet unique mot, fragment d'une idée insaisissable, fils du temps et de l'angoisse ;
ce mot ! ressenti et non pensé, erra alors dans leurs esprits torturés. Le monde ne leur apparaissait que dans la brutalité primaire de ces instants où, jusqu'à leur conscience vague et sauvage se glissait à eux cette soudaine sensation, d'abord poignante ! mais aussi douce et amère, rampante parmi les marécages de leurs esprits, rampante au milieu des vagues immenses et déferlantes, émergeant des soupirs à peine perçus d'eux-mêmes, elle renaissait, toujours ; lentement, revenait, grandissait, impalpable, lâche, sournoise, cruelle, mais toujours ! elle était.

Leurs petits bras remuèrent alors, leurs mains s'ouvrirent pour que leurs doigts aient la place de se crisper. Leurs petits visages bougèrent eux aussi ; tendres si un souffle un jour, une caresse, les avaient sauvés de leur croissance d'agonie.
Hantés par cet oubli du monde, sans le savoir, juste un oubli..."



Saerass se réveilla violemment, bondissant de terreur. Un oubli, quoi ? un oubli, pourquoi qu'est-ce que... Des gouttes de sueur perlaient sur son visage plus blême qu'il ne l'avait jamais été, il se mit à tourner en rond, désorienté, à vif, furieux, harassé, harcelé... Chancelant et aveugle à autre que lui, des pensées cognaient de son esprit, obsédantes, persistantes, il voulait s'en débarasser, mais elles restaient là, enfermées en lui, tenaces, ineffaçables. Elles étaient lui. Et il les haï soudain.
Ses oreilles se mirent à bourdonner, son malaise était indégnable et grandissant. Il avait soif, si soif, soif, si soif... Oublier, oui, il pouvait juster oublier lui aussi...
Non !

Lekhrian apparut soudain devant ses yeux.
Immobilité.
Ils se regardèrent. Longuemment... un silence d'éternité.



J'ai fait un rêve...
murmura doucement Sae...
Il y avait des enfants qui grandissaient en mourrant. Des choses étranges, qui n'ont pas de mots. Du silence et... quelque chose d'affreux...

dit :
Sae... Je les vois, ils débordent de ton esprit... Je... Ce n'est pas ton rêve Sae... Ce rêve, c'est le mien, ce rêve, c'est moi.


Qu...?
Le jeune Témoin dévisagea son mou, décontenancé, incomprit et ne comprenant pas. Ce n'était pas normal, ce n'était pas possible, Lekhrian était bizarre, pas comme d'habitude, plus pâle, plus gris, plus triste...

dit :
Sae... regardes-toi... ton visage... tu es couvert de bleus. Cette fois ce n'est pas qu'à cause de l'entropie. Hier tu t'es battu. Tes vêtements, tu es trempé...


Le concerné se regarda subitement, les yeux emplis d'incertitude. Il était trempé. Tout un côté de ses vêtements était gorgé d'eau... Il avait dormit dans un caniveau.
A côté de lui, une bouteille brisée, son contenu répandu dans une flaque rougeâtre dans laquelle se mêlait une autre nuance de couleur... Le tydale passa sa main sur son crâne, particulièrement douloureux. Un peu de sang séché collait ses cheveux... C'était son sang qui était répandu dans la flaque.


Aucun souvenir...

dit :
Si... si nous continuons à faire les mêmes rêves... ces rêves qui nous lient plus que nous ne le sommes dans la vie quotidienne...


Le symbiosé le coupa.

Je vais devenir fou, hein ?

dit :
Nous. Nous allons devenir.. différents.


Saerass cracha par terre avec rage. Que le S'arkh aille se faire voir, son destin, les Poussiéreux, tout cela ne dépendait que d'eux ! Ils choisissaient qui étaient fou et qui ne l'était pas, qu'il est bon de faire comme eux et pas autrement, mais lui était ailleurs, il voulait être ailleurs, sa vie ne le menait pas vers la masse, mais vers quelque destin exceptionnel dont il avait l'absolue certitude !

Que la folie me traque !
Je l'attendrai sur les marches,
De mon Imperfection !


Saerass se détourna avec rage. Aujourd'hui il avait à étudier, à apprendre, à se dépasser. Sa vie l'appelait.



 
Saerass Telmar

Le Dhiwara 20 Jayar 1510 à 10h40

 
Quelques jours étaient déjà passés depuis sa première nuit à Zarlif.
De trop nombreuses heures enfermé dans la bibliothèque avaient permis à ses bleus de disparaître, et quelques sorts de guérison anarchique récemment appris le guérirent presque entièrement, lui qui ne vivait que de côtes cassées et de membres démis...
Une telle négligence de son corps lui serait fatal un jour, pensait à chaque fois Lekhrian. Mais au moins savait-il désormais le guérir efficacement, bien que l'entropie ne deviendra jamais un outil fiable.

Saerass étudiait le Nelda. Pour préparer son prochain voyage en terre Haut-rêvante. Et comme une bataille se préparait, mieux valait de connaitre les langues de race plutôt que celles de faction, plus nombreuses. Le Tchaë resterait cependant une lacune pour quelques temps, le temps lui manquait.
Lorsque le professeur dont il payait les services décidait d'arrêter le cour en fin de journée, trop épuisé pour poursuivre plus longtemps, le jeune Témoin décidait alors de reculer dans un coin de la bibliothèque, et peu scrupuleux envers lui-même, il se mettait à lancer un sort d'entropie, se vidant de mana pour pouvoir effectuer un flux de mana qui cette fois-ci lui volait son énergie vitale, blessait son corps, laissant alors la place à ce fameux sort de guérison anarchique qui pour l'instant le guérissait à chaque essai. Malignement, il abusait de ce cercle vicieux et épuisant dans le seul but d'augmenter sa maîtrise de la magie, et devenir plus puissant, capable d'affronter les plus redoutables créatures du S'sarkh.


Le lendemain, à court de provisions, il du enfin apprécier l'air libre et quitter cet air renfermé pour affronter les rayons du soleil. Qu'il aimait tant pourtant ! Mais un mal de crâne persistait d'une nuit agitée dont il n'avait pourtant guère souvenance. Lekhrian ne lui avait rien dit depuis l'autre jour, lui même préférait éviter le sujet et se préparer aux évènements à venir.

Propre cette fois-ci, mais toujours attaqué par d'affreuses cernes, le jeune Témoin du S'sarkh passa échanger une centaine de Léopolithes, avant de partir à la recherche d'une auberge ou d'un marchand ambulant proposant quelques mets peu savoureux. Il prendrait ce qui viendrait. Il voulait juste se nourrir.

Passant soudain devant un forgeron, il lui laissa sa pelisse et son baton, promettant de revenir une fois les réparations faites, ce qui ne prendrait que quelques heures dans le pire des cas. Ensuite il trouva en chemin ce dont il avait besoin, fit son repas en marchant, avant de faire un léger détour à l'hôtel des ventes pour vérifier ce qui était disponible... Par chance, ce lieu habituellement désertique habritait un solide casque de métal qui attira son attention. Un casque de honte lui dit-on...
Par un amer sentiment, il sourit à cette appelation et trouva le casque à son goût. Il l'essaya, vit qu'elle ne le gênait pas dans la pratique entropique, et l'acheta soudain, décidant cette pièce d'armure utile lorsqu'il se retrouverait seul en face du danger qui planait sur eux.

Le balafré ne tarda pas à revenir sur ses pas et récupérer sa pelisse comme son encombrante arme. Toujours un peu chancelant, et ayant abandonné depuis son arrivée en ville son pas furtif des bois pour une démarche se voulant plus ouverte aux passants en quête de réponses et des conseils d'un apprenti propage, il croisa soudain un visage famillier déambulant entre les passants chacun délaissés au fur et à mesure d'une bourse bien pesante... Il allait réagir quand quelqu'un le vit aussi et appella la garde qui partit aussitôt à sa poursuite!
Bousculant demoiselles et ivrognes, quelques cris de surprise s'échappèrent de cette foule chamboulée dans son ordre quotidien et banal. Et un jeune cheval paniqué, désarçonna son cavalier, se cabra, hénissant et menaçant de ses sabots une adolescente couverte de boutons, tétanisée devant cette masse qui allait l'écraser!
Les réflexes d'un symbiosé servirent alors au jeune propage qui en deux bonds fut aux côtés de la fille en détresse et la tirait sur le côté, épargnant à son visage un fatal coup de sabot.
Mais en voyant cette haute taille et ce visage creux s'élancer vers sa fille, ses cheveux au vent laissant soudain entrevoir une immonde cicatrice remplaçant une oreille inexistante, la mère de l'adolescence paniqua d'autant plus face à ce nouveau danger, et au moment même où les mains du Témoin poussaient la jeune fille sur le côté un rude coup de gourdin sur le crâne coupa tout élan et projeta la nouvelle victime à terre tandis que les lourds sabots du stupide animal continuaient leur chute vers le Témoin immobile, sous les yeux bouffis d'orgueils de cette vieille femme satisfaite de son double coup !

Lekhrian apparut et vitupéra son hôte de se bouger de là avant que... Soudain une masse noire et solide percuta le flanc du cheval qui fut momentanément soulevé de terre et s'écrasa à deux pas du Témoin sonné, inoffensif.
La foule, à la fois hilare et terrifiée, fut soudain parcourue de chuchotements...
Et la masse en question se mise à grogner, se relevant tant bien que mal.


Outch... elle fit craquer son cou. Je ne ferai pas ça tous les jours moi...

Une femme. Une Tydale. Immense ! D'une musculature incroyablement développée, anormale! D'une couleur de peau... entropique...
Et soudain tout se dégonfla dans un léger crépitement.

Saerass se gratta la tête, face contre terre. Et se releva d'un bond.

Mais qu'est-ce que je fais par terre, Lekhrian, j'ai encore bu ?! cria t-il presque, désemparé.

La réponse de son mou ne se fit pas attendre, et le jeune Témoin faillit rougir devant tous ces visages tournés vers lui, rieurs et chuchotants. Il apercevait derrière le dos des gens qu'il avait face à lui des personnes pouffés de rire, se retenant à peine devant ce qu'ils venaient de voir et d'entendre.
Mais ce visages, ces faces, ces sourires en coin, ces regards... étaient mauvais. Moqueurs, sournois, dénigrants, aucun partage, aucun vrai rire qu'il ne voyait ici, juste des gens bas qui auraient un sujet de discussion le soir, sujet sur lequel ils cracheraient tout leur venin...
Si le jeune sourd ne les entendaient pas, il faisait pire, il les imaginait... Même cette jeune fille qui savait par qui elle avait été sauvée. Il imaginait les entendre, comme avant, ces rires mauvais.
Et quelque chose se mit à monter en lui. De sombre.

Alors il détourna son visage, fit volte-face et reprit d'un pas déterminé le chemin de la bibliothèque. Mais son front en rencontra soudain un autre, dans un choc sourd. Il grogna, désabusé.
S'acharneraient-ils à ce point sur lui ?! Cela commençait à devenir trop, ce n'est pas ainsi qu'on traite celui qui vient de sauver une vie, du moins de tenter d'en sauver une !

Mais alors il vit en face de lui, proche, très proche, une femme. Une Tydale. Ses yeux. D'un bleu si profond... océanique, si étrange, doux et direct, droit, fascinant... Un sourcil légèrement relevé, de surprise et de gêne, mais des traits si doux... une peau blanche, si tendre ; un nez délicat et des lèvres... Il ne trouvait pas les mots. Il rougit pour de bon, ne sachant pas quoi faire, ne comprenant pas.
Elle était incroyablement belle ! Et désirable ! Sa chevelure blonde encadrait un visage si parfait, il en voyait à peine les traits désormais, baignés de lumière qu'ils étaient. Etais-ce une vision ? Etais-ce un signe du S'sarkh ?! Cela ne lui ressemblait pas...
Les lèvres de la femme s'entrouvrirent légèrement, son visage se rapprocha sensiblement, comme pour lui murmurer quelques mots, à lui, à lui seul ! Mais il recula imperceptiblement, mécaniquement, pourtant il ne voulait pas. Et elle lui dit quelque chose, il sentit son souffle sur ses cicatrices, sur son cou... Il n'entendit pas.
Et elle s'en alla.

Hébété, il suivit du regard sa silhouette fine et élancée, harmonieuse, lumineuse, fuir dans le chemin que lui laissaient les passants.
Saerass était heureux car, il avait sentit sa magie. Il avait vu des traces, à peines perceptibles, de l'entropie ! Elle était comme lui, n'étais-ce pas fabuleux ?!


Quelques instants plus tard un homme le bouscula dans la circulation redevenue normale. Et Saerass, réveillé, du rentrer chez lui.



Page [1]
Vous pouvez juste lire ce sujet...