*** Saerass Telmar venait d'arriver en ville. Cela faisait maintenant un peu plus de deux ans qu'il avait quitter Lerth pour arpenter Syfaria à la recherche des enseignements du S'sarkh. Il les avaient trouvés ; dans la caresse du vent sur sa peau, dans la sensation du sable fouettant son visage, de la pluie imprégnant ses vêtements usés et glaçant sa peau frémissante, dans la balafre de vie et les flux d'énergie, par le froid, la faim, la sueur des chaleurs insoutenables, puis la douleur de ne plus avoir assez d'eau dans son corps pour en perdre... et le bonheur de se sentir dans cet état de semi-mort nous rapprochant plus que jamais du grand S'Sarkh.
Mais une fois les épreuves du corps passées, et cet outil endurci, l'apprentissage se faisait aussi dans la paix et l'harmonie de l'âme et du précieux réceptacle qui le contenait. Car contrairement à de nombreux témoins, Sae pensait que la plupart des mutilations empêchaient justement de voir les signes... Alors il s'allongeait sur le sol rocailleux, et respirait les parfums des fleurs, l'odeur de l'herbe, des arbres protecteurs, de la terre créatrice, du roc indestructible, du feu ravageur, et du vent voyageur. Et il s'enivrait de ses sensations, acceptait tout pour que tout l'accepte et lui offrent leur compréhension, puis par elle, la clairvoyance des signes du S'sakh. Alors il plongeait son regard dans l'immensité du ciel, il y noyait son âme, la laissait se perdre dans cet infini terrifiant où se trouvaient les limites de la folie. Mais il s'en fichait, car il savait que seul celui qui aurait le courage de franchir ces limites pourrait comprendre le S'sarkh et être aimer de lui ! Ensuite, tandis que ses yeux se révulsaient et que son corps entrait lentement dans un état de torpeur, il rappelait soudain son âme à lui, se relevait brusquement, et se dirigeait vers l'océan qu'il adorait alors de la même façon, si ce n'est les prières accomagnant cette fois-ci son étrange transe.
Les heures passaient, et le jeune Tydale rêvait toujours, tentant d'atteindre la compréhension. Il pouvait rester des jours ainsi, oubliant les besoins de son corps, le temps, et son destin. Mais Lethrian le rappelait toujours à temps. Son mou était lui aussi un don du S'sarkh, et il l'aidait dans sa tâche, le guidait, et l'évitait d'aller trop loin. Saerass avait assisté à sa naissance non loin de Lerth lorsqu'il avait onze ans. Depuis ce jour où ils se lièrent aussitôt l'un à l'autre, leur confiance mutuelle est absolue, et ils savent que c'est ensemble qu'ils arpenteront la vraie voie...
Puis le jour de ses treize ans, Sae sentit qu'il devait revenir, que son apprentissage touchait à sa fin et qu'il avait désormais des choses à faire... ailleurs. Alors il se leva, et dans le silence le plus profond, et la pensée la plus sage, il courrut rejoindre sa famille, les Témoins du S'sarkh.
En ce moment, il a de nouveau franchit les portes de la Scintillante, et c'est d'un pas régulier et le visage d'un sereinité et d'un calme absolu qu'il se dirigea vers le temple. Il ne voyait ni n'entendait les passants et les autres témoins, et ses traits ne parlaient que le language de l'innocence, bien que la joie de sentir la présence des siens était bien présente.
Une fois arrivé là où il souhaitait l'être, l'adolescent s'adossa tranquillement prêt d'un pillier. Puis posant ses modestes affaires à terre, il sortit une petite flûte en bois, et une douce mélodie s'échappa du fragile instrument. Quelques passants le regardèrent en souriant, et d'autres furent même tentés de lui offrir quelques pièces... Car ils avaient pitié de lui. Un bandage entourait son crâne, récouvrant ses oreilles, et de fausses notes gâchaient régulièrement cette paisible musique. Mais Saerass Telmar était sourd, et ne se rendait pas compte de sa pitoyable maladresse. ***