*** Le haut dôme de l'Observatoire, surmonté de son immense tour lancée à l'assaut du ciel se découpe sur l'horizon de la cité. Diaspar marche d'un pas tranquille dans les rues et venelles de la Scintillante, qu'il préfère bien souvent nommer la Silencieuse. Malgré la présence continuelle de ses habitants, se dégage toujours une impression feutrée d'absence ou de profonde introspection. Comme si s'opérait ici un vaste rituel muet où tout geste et parole étaient mesurés.

Le Contemplateur n'est pas un sentimental, loin de là, mais il éprouve un tendre bien-être à être de retour dans cette cité qui l'a vu naître et grandir, dans une autre époque, une autre vie. Il a tant à faire avant de repartir. Des choses matérielles essentiellement, mais néanmoins indispensables; s'acheter de l'équipement et réparer celui qu'il possède déjà, planifier son prochain voyage et mettre au point ses dernières pensées.

Il a un peu erré sur le consensus. Des gens se préparent pour Zarlif, d'autres pour Arameth. Pourquoi pas ? Ce sont des destinations acceptables, sinon agréables. Peut-être se joindra-t-il à ces futures pérégrinations. Mais pas avant d'avoir achevé ce qu'il a à faire ici.

Il fait tourner dans sa main un petit chapelet de cristaux gravés, tandis que se dressent devant lui les portes de l'Observatoire. Il rentre, salue les quelques chercheurs présents, jette un coup d'oeil sur le grand tableau de l'entrée où sont placardés différents rapports, constats ou notes. Une lecture rapide le renseigne sur ce qu'il veut savoir.

Il gagne ensuite le dortoir pour y piquer un court somme. Besoin de dormir. Il a l'impression de ne pas avoir dormi depuis des mois. Ce qui est peut-être bel et bien le cas. ***

*** Quand, quelques heures après, Diaspar redescend pour gagner le réfectoire, il n'est pas plus reposé. Ses vieux rêves sont venus lui rendre visite, profitant de son manque de vigilance. Le sommeil est un poison terrible pour qui ne sait pas s'armer contre ses nombreux vices. Et ils sont généralement plus nombreux que l'on croit.

Si le pèlerin gagne la cantine, ce n'est pas pour manger, mais pour socialiser et écouter.

Personne ici ne le connaît et le Contemplateur est bien décidé à se montrer aux siens. Il va donc une table à une autre, saluant au passage les chercheurs qui se restaurent, tend l'oreille sur les dernières conversations, pose quelques questions et prend ses aises dans cet endroit plein de vie. L'agitation est loin d'être monstrueuse et ce sont plutôt des allers et venues, des discussions à demi-mots, le bruit des couverts, qui égayent l'endroit. Ce calme relatif lui permet de reprendre pied plus aisément.

Il s'installe à un coin de table et pose un dossier devant lui. Dossier qu'il est aller emprunter aux archives de son Socle et qu'il va compléter au gré de ses errances télépathiques sur le consensus. Sur la couverture, on a écrit à l'encre noire "Affaire Flymeur". Une histoire visiblement passionnante, sur laquelle il y a beaucoup à dire. Et à propos de laquelle il y avait beaucoup à voir. Cela se sent.

Si il veut se mettre à jour après sa longue absence, cela passe visiblement par l'étude de ce fichier.
Il ne va pas s'en plaindre, cela fait également longtemps qu'il n'a pas lu. ***

*** Au bout d'une petite heure, il en a terminé avec le dossier. Le rapport est succinct, se contentant des faits stricts et du point de vue d'un non-symbiosé. Point de vue intéressant mais insuffisant, quand on sait que ce sont surtout des télépathes qui se sont impliqués dans l'histoire. C'est davantage en arpentant les discussions sur le consensus que Diaspar arrive à dresser un tableau relativement exhaustif de l'évènement et des données acquises. Certaines conversations sont néanmoins décousues ou incomplètes, ce qui le confronte à quelques trous. Mais surtout à de nouvelles questions.

Des trous qu'il lui faut compléter et des questions auxquelles il faut trouver des réponses, assurément. Rencontrer certaines personnes est nécessaire. Même si "l'Affaire Flymeur" n'est pas sa priorité, il est indéniable qu'elle a amené avec elle un lot d'informations essentielles, pour ne pas dire fondamentales, à propos de Syfaria, de la symbiose et de l'Usurpateur. A ce seul titre, les zones d'ombre méritent d'être éclaircies. En tant que Contemplateur, il en va de son devoir que de s'attarder sur le sujet.

Il s'en occupera au gré de ses futurs voyages, sans nul doute.
Ce que ces découvertes impliquent, réveillent...dépassent l'entendement.

Malgré l'excitation que ce nouveau savoir fait naître chez le Témoin, il reste calme et mesuré dans ses pensées. Il le faut. Se faisant, il referme sa lecture et sort du réfectoire pour remettre le dossier au bibliothécaire des archives de l'Observatoire. Il remonte prendre les quelques affaires qu'il a laissé sur sa couche et sort à la lumière du jour. Une petite visite de Lerth et de ses commerces s'impose. De longs voyages en perspective. ***