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Le Temple

Résonnances

L'échos des silences...
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Sujet lancé par Nelle
Le 25-03-1511 à 23h58
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Posté par Nelle,
Le 15-09-1511 à 23h54
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Nelle

Le Vayang 25 Marigar 1511 à 23h58

 
De bon matin, à l'heure où les esprits et les estomacs s'éveillent, une petite silhouette tchaë passe joyeusement les portes du Temple.
Revenue depuis peu à Lerth, Nelle est presque émue de refaire un tour dans ce lieu.
Elle n'est pas particulièrement dévote, pas au sens religieux du terme en tout cas. Mais le Temple de Lerth n'est pas qu'un lieu de culte fanatique à la gloire d'un poisson géant.

Le Temple, c'est aussi un symbole, la manifestation architecturale de la philosophie des Témoins, du rassemblement des êtres, de l'ouverture, de l'espoir... ici chacun est libre de prier comme il l'entend, de suivre la cérémonie qui lui sied, de se recueillir en silence, en chantant, en riant ou en méditant...

Nelle n'a pas de rituel défini. Si ce n'est celui de simplement se laisser porter par l'atmosphère du moment...

En cette heure matinale, il n'y a guère foule. Une vieille nelda marmonne doucement, imperceptiblement, assise sur l'un des bancs. Plus loin, deux tchaës, des frères manifestement, lisent en silence.

La jeune propage s'assoit quelques minutes et ferme les yeux. Après les mois qu'elle vient de passer à Arameth, puis l'enfer des vaisseaux nemens -le mauvais temps l'a conduite à faire escale à la station de Syrinth- le silence et la paix de ce lieu sont plus que bienvenus.
Salutaires.

Puis, une dizaine de minutes plus tard elle se relève doucement, et traverse la pièce pour en ressortir par la petite porte qui mène aux jardins.
Elle n'a pas cherché à contacter le Kar'nem S'sarkh pour lui demander un entretien, mais elle espère bien le trouver ici, où il est connu qu'il aime y passer du temps.
S'il n'y est pas déjà, à arroser les pousses des premiers légumes de saison avant que les rayons de Maelia ne deviennent trop virulents, elle pourra elle-même fournir sa part de labeur en attendant de voir s'il pointe le bout de son illustre nez.


 
Batyias

Le Luang 28 Marigar 1511 à 23h13

 
Batyias était bel et bien là.
Debout face à un vieil arbre fruitier dont les bourgeons hésitaient encore à pointer le bout de leur nez en cette fin hivernale.
Dubitatif, Batyias marmonnait tout en tapant du pied par terre avec une arythmie toute dévote, cela va sans dire...


 
Nelle

Le Matal 29 Marigar 1511 à 18h47

 
Même sans l'atout de la symbiose, il n'est pas difficile de reconnaitre le tydale longiforme, et Nelle se dirige aussitôt vers lui, d'un pas léger qui se fait pourtant presque solennel à mesure qu'elle s'approche de lui.
Après avoir rencontré et s'être entretenue avec tous les dirigeants des factions poussiéreuses, et même un Roi Vortex, Nelle ne se sent pas moins intimidée devant son propre guide.
Au contraire.

S'il semble être en apparence le plus accessible des dirigeants poussiéreux, Nelle sait pertinemment qu'il n'en est rien, et que la part de mystère qui l'entoure, autant que ses propos étranges et décalés, souvent difficiles à décoder, en font au contraire un interlocuteur très particulier.

La jeune propage salue Batyias d'un sourire à la fois timide et chaleureux.


Bonjour Kar'nem S'sarkh. J'espérais vous trouver ici...

Son regard s'arrêtant à son tour sur l'arbre qui semble retenir l'attention du tydale, elle ajoute après une seconde d'hésitation :

Auriez-vous quelques instants à m'accorder ?

 
Batyias

Le Merakih 30 Marigar 1511 à 22h41

 
Batyias se retourna vers Nelle, et lui sourit avec douceur.

Cet arbre est un sot.
Il regarde l'hiver avec la peur au ventre, et retient son souffle.
Mais se faisant, l'hiver perdure n'ayant aucune compagnie avec qui discuter.
L'hiver s'ennuie, et reste ici.
Cet arbre est un sot, car s'il avait moins peur il saurait que se faire un ami de l'hiver est le meilleur moyen de le faire partir...


Il se baisse, et s'assoit à même le sol, visiblement prêt à écouter la tchaë.


 
Nelle

Le Julung 31 Marigar 1511 à 23h51

 
Knüt dit :


Héhé... En gros Nellou, Pépé Batyias, qu'est loin d'être un sot, comme chacun sait, il a compris qu'ça sert à rien d'éluder tes blablas, et que plus vite y bouclera cette discussion plus vite y r'trouvera sa tranquillité...
C'est imparable !


Nelle rougit imperceptiblement, fronce les sourcil en direction de Knüt, d'un air de dire "toi tu vas pas commencer"... sans pour autant trouver quoi répondre à cette interprétation... A part peut-être qu'elle imagine assez mal Batyias craindre sa venue...

Confuse, elle s'assoit à son tour par terre, en tailleur face au Kar'nem S'sarkh.


Est-il vraiment si sot ?
Pourquoi l'hiver reste-t-il, s'il s'ennuie autant, au lieu d'aller chercher ailleurs d'autre compagnie plus bavarde ?
Au contraire, on s'attend plutôt d'un ami qu'il ne nous fausse pas trop vite compagnie, ne croyez-vous pas...?


Nelle marque une pause, avant de continuer plus prosaïquement.

Kar'nem S'sarkh, vous avez peut-être suivi les comptes-rendus télépathiques sur notre consensus de pensée ?
J'ai entrepris, depuis maintenant plus de deux ans, de rencontrer les premiers sortis pour essayer de comprendre quels liens les unissaient à Flymeur, eux qui ont été étonnamment affectés par son apparition dans nos consensus... Et à travers cette question, bien sûr, comprendre... ce qu'ils sont, eux.
Une enquête de longue haleine, qui m'a fait rencontrer le Maître des Songe Fyridor, la Shaïm Sardoryanne, la Mère des Cieux Akaliara et le Roi Elkior... un enquête fort instructive, sur bien des sujets... parfois pas directement et ouvertement liés au Sieur Flymeur ou à leur nature de premier nés...
Les évènements m'ont tenue éloignée de Lerth bien plus longtemps que je ne l'aurais cru, mais voilà pourtant longtemps que je projetais de venir vous voir vous aussi, même si vous n'êtes pas l'un d'entre eux.
Justement parce que vous ne l'êtes pas. Et parce que vous n'êtes pas pour autant un poussiéreux comme les autres...

Sardoryanne m'a d'ailleurs résolument orientée vers vous.


Tout en lui conseillant la prudence, se rappelle Nelle, toujours aussi perplexe et intriguée par cet avertissement.

 
Batyias

Le Matal 5 Astawir 1511 à 12h04

 
Batyias ramasse une motte de terre, et commence à la malaxer doucement.
Son regard se fait lointain, et il répond d'une voix douce.

La mère est une personne sans ombrage.
Elle aspire à ce que ses ouailles s'épanouissent.
La famille est une aspiration, une inspiration, une dévotion.
Comme une meute dans la plaine, elle génère ses lois, son ordre et ses proies.
Que vienne la tempête et la meute doit s'adapter ou disparaitre...

Le petit grand être a été une bourrasque. Un souffle annonciateur.
Il fut étouffé dans l’œuf, après avoir semé ses graines.
Le souci du vent fut alors de disperser les graines, les empêcher de germer.
Les retenir dans leur cocon.
La famille est une meute. Une meute d'araignées habiles au tissage...


Son regard revient vers Nelle.

L'arbre est peureux. Il est donc sot.
Le peur lie les êtres.
Connaissez vous ces chenilles qui s'alignent sur plusieurs mètres, les unes derrière les autres, suivant un chemin vers nul part. Ou vers un ailleurs.
Elles dorment la nuit dans le froid les unes sur les autres, se réchauffant mutuellement.
Puis l'une d'entre elles décide de bouger, et toutes la suivent.
Qui est-elle, celle là, qui d'un coup décide que ça suffit ?
Qui est-elle, celle là, pour entrainer son peuple vers un ailleurs inconnu ?


 
Nelle

Le Merakih 13 Astawir 1511 à 00h46

 
Nelle écoute Batyias avec toute l'attention et la concentration dont elle est capable, essayant de décrypter ce que ses phrasés imagés peuvent bien pouvoir signifier...
La mère représente manifestement les dirigeants, les premiers sortis. La famille qu'elle protège, c'est leur peuple.
Flymeur le petit grand être, annonciateur de tempête.
Sardoryanne avait également employé cette analogie, d'ailleurs, pour l'orage que causa Loïa par la suite sur les cités de poussière...

Mais la suite reste bien nébuleuse aux yeux de la jeune propage... Les propos imagés de leur Guide sont certes rarement limpides, mais en l'occurrence une mauvaise interprétation de ses paroles reviendrait alors à passer à côté des connaissances manifestement uniques que détiendrait le Kar'nem S'sarkh.


Le soucis du vent fut de disperser les graines, les empêcher de germer... pourquoi ?

Les graines...
Encore une image qu'avait employée la Shaïm, songe Nelle. Mais dans la bouche de Sardoryanne, le vent était celui du destin, le Hasard, sans volonté propre...
Les graines, semées par le P'KhenS'sarkh... ou d'autres.
A qui Batyias fait-il allusion ici ?


La famille, une meute d'araignées habiles au tissage... pour retenir les graines. Celles de Flymeur ? Du Maudit ? Ou des poussiéreux qui s'essayent à leur tour à jouer du Hasard ?

Nelle n'y comprend rien.

Je ne comprends pas, dit-elle tout haut. Penaude et rougissante.

Et l'analogie suivante sur les chenilles processionnaires n'aide pas à la sortir de sa confusion.
Malgré son statut, il semble évident que Batyias ne parle pas de lui-même dans cette image de guide.
Ce qui n'est par contre pas du tout évident, c'est de comprendre où il veut en venir...


Elle-même, le sait-elle seulement ?
Pourquoi elle, et pas une autre ? Et pas dix, vingt ou cent autres ?
Pourquoi la suivre ?


 
Batyias

Le Matal 19 Astawir 1511 à 23h08

 
Batyias se met à aligner des petits cailloux devant lui, autour de la motte de terre qu'il a déposée sur le sol.
Il ne les dépose pas en rond, ni même en spirale ou autre forme possible.
Il les aligne comme traversant le monticule.
Une ligne après l'autre. Avec un calme qui aspire à l'éternité.
Les minutes passent...

Puis alors qu'il a établi plusieurs alignements de tailles différentes, formant une étoile alambiquée et sans aucune symétrie apparente, il reprend la parole en désignant son chef d’œuvre.

Qui suit qui ?
Qui va, qui vient ?
Quel sens est le bon, le mauvais ?

Est-ce important de savoir ce qui part et ce qui arrive ?

Le nœud est ce qui prime.
La cause et l'effet.
Le nœud est le début et la fin.
La puissance de l'imprévu.

Ce qui doit être regardé n'est pas visible.
Celle qui trouve le nœud démêle la pelote.
Alors seulement la souffrance s'arrêtera peut être.

Mais ce qui ne souffre plus existe-t-il encore ?
L'existence est souffrance.
Le vide est plénitude.

Moi, comme toutes les branches de l'arbre, toutes ses feuilles, toutes ses graines.
Moi je préfère souffrir et ne pas prendre le risque.
Moi aussi, je suis sot...


D'un geste, il balaye sa création.
Et se met à pleurer doucement...


 
Nelle

Le Sukra 23 Astawir 1511 à 20h15

 
Ecoutant Batyias, Nelle, qui n'avait déjà pas tout compris de son élocution précédente, se rend compte qu'elle était pourtant encore loin sur l'échelle de l'incompréhension.
Avant elle avait encore une idée relativement globale de ce dont ils parlaient.
Maintenant elle n'a plus la moindre idée de ce que Batyias peut bien vouloir dire, ni même à quoi il fait référence.

Et pour couronner le tout, il se met ensuite subitement à pleurer, prenant Nelle pour le moins au dépourvu.
Machinalement, elle pose sa main sur celle du tydale, en un geste qui se veut à la fois rassurant et compatissant tout en faisant mine de l'empêcher de tout balayer.
D'une voix emplie de compassion, elle murmure doucement :


Je ne crois pas que l'existence ne soit que souffrance, monsieur.
Elle est aussi tant d'autres choses... Joie, espoir, amour...

Quelle est cette souffrance qui vous ronge, vous, et vous fait penser que l'existence s'y résume ?


 
Batyias

Le Luang 9 Manhur 1511 à 23h27

 
Batyias soupire, et se calme sous le flot de compassion que lui prodigue Nelle en quelques secondes qui valent des semaines en plein océan d'espoir.
Il reprend la parole d'une voix plus assurée, plus déterminée.

Le plat ne l'est pas.
Chaque grain est une aspérité.
Je l'oublie facilement, et m'en souviens avec difficulté.

Merci.

Au delà des eaux se trouve la souffrance.
Elle illumine mes cieux, me consume et me vide.
Autour d'elle rôdent d'anciennes terreurs enfouies, affamées et patientes.
Les dévoreurs le protègent et le gardent, sans se souvenir pourquoi ni comment ils en sont arrivés là.
La souffrance est un chemin vers lui, mais le vide est ce qui permet de s'en échapper.

Peut être est-il temps d'aller le sauver, par cet antique chemin de traverse envahi de ronces.
Peut être est-il temps de cesser de fuir.

Peut être est-il temps de vivre...


Puis Batyias se relève.
Il contemple l'arbre, plus serein que d'habitude. Plus calme.


 
Nelle

Le Merakih 18 Manhur 1511 à 16h42

 
Heureuse de voir le Kar'nem S'sarkh se ressaisir aussitôt, Nelle se lève à sont tour pour rester à sa hauteur -ou presque, sans quitter le tydale des yeux.

Encore une fois, elle a du mal à décoder ses paroles, dans lesquelles il est tellement simple de trouver de multiples interprétations... alors qu'il est si crucial de justement ne pas se méprendre sur le sens de son message.
Du moins le croit-elle... même si ses certitudes ont la vie dure, face à cette conversation déroutante.
Justement.

Mais qu'il est délicat de chercher à comprendre, sans engloutir son obscur interlocuteur sous un tas de questions !

Jetant un regard furtif vers l'entrée du jardinet, la propage se demande si le masque va finir par pointer le bout de son nez de porcelaine. Le rendez-vous était certes un peu vague, et elle est peut-être arrivée un peu plus tôt qu'annoncé... mais tout de même, sa vivacité d'esprit ne serait vraiment pas de trop dans cette présente discussion, qu'ils avaient depuis des mois projeté de tenir ensemble.


Est-ce que vous parlez du S'sarkh ? Demande-t-elle doucement en se tournant de nouveau vers Batyias.

Voudriez-vous me raconter, s'il vous plait, votre rencontre avec lui ?

Un récit qui, avec un tel conteur, promet d'être épique, s'il veut bien le dévoiler...

 
Umbre

Le Vayang 20 Manhur 1511 à 16h24

 
Maux de tête. Le crâne en pagaille.

Depuis cette stase dans ce hors-monde, il avait du mal avec la réalité.
Il avait toujours eu du mal avec la réalité, à dire vrai, mais là...
Enfin, cette petite expérience commençait à dater. Il aurait dû s'en remettre.
Mais le déphasage, le sentiment d'avoir les tripailles étalées dans le temps...
Non, ça ne fait jamais du bien. Et, des fois, ça lui revenait.
La lassitude, la fatigue, là et maintenant : c'était peut-être autre chose.
Les opiacés d'hier, plus probablement.

Ils avaient des bons mélanges ici, à Lerth.
Il avait trouvé un salon perdu dans une ruelle tordue.
Il venait à peine d'en sortir. La soirée, la nuit, la matinée.
A fumer un bordel sympathique. Le retour sur le plancher des vaches l'était moins.
Tout était encore brumeux, difforme, étrange, vague.

Ceci dit, avec la réputation du vieux guide, c'était peut-être mieux.
Etre perché pour se mettre à son niveau. Il l'avait déjà entendu penser.
C'était joli. Bizarre, abscons mais joli. Une sortie de poème absurde.
A l'image de sa faction. Bref. Pourvu qu'il arrive à suivre.
Et que son Ssarknesh soit correct. Ca m'étonnerait.
Il parlerait Tydale. Valeur sûre.

Le temple, le temple. Oui, bon. Ah, voilà le jardin.
Un masque en porcelaine pointe le bout de son nez. Finalement.
Il s'approche du duo. Le vieux et la demoiselle.
Non, il ne marche pas très droit. Oups.

Un peu de contenance, mon vieux. De dignité.
Un marin qui foule la terre après des mois de navigation, ce n'est pas toi.
Toi tu marches sur une ligne, avec grâce. Tu es un félin.
Un félin. Merde. Qui a un peu trop rêvé qu'il rêvait de rêver.

Courbette. Presque réussie. Pfiou.
On chasse la poussière d'un revers de gant.
Une plume du chapeau virevolte.

Bonsoir.

Aha. Crétin.
Pour l'entrée en scène, on reviendra.
Clin d'oeil complice à Nelle.
Façon de s'excuser.



Un visage est-il un masque de comédie posé sur la tragédie de l'âme ?

 
Batyias

Le Merakih 25 Manhur 1511 à 14h20

 
Batyias se met à tourner autour de l'arbre, en une promenade sans fin, lorsque Umbre se présente.
Il le regarde un instant, sourit, prit reprend sa baguenaude circulaire.
Il parle alors d'une voix lointaine, en tydale, signe qu'il est attentif à la présence du Masque.

La pluie coule entre les doigts gourds.
Elle file, elle échappe, elle ne se lasse pas de fuir sa capture.
Pourtant, au petit matin sur les menues feuilles à peine éclose, elle retient sa marche.
Elle attend, calme, en gouttelettes de rosée idéales.
Elle se fixe, comme un présage, belle à en mourir.
La feuille ou le brin d'herbe a-t-il conscience de cette vérité qui s'accroche un instant ?
Peu lui importe. Elle le fait pour elle plus que pour eux...

Au loin, par delà des myriades de gouttelettes, se trouve Celui qui Est.
Vestige. Merveille. Gigantesque. Délire pur d'une nature libérée de tout complexe.
Le parfait jardin.
Il y fait bon vivre. Les cultures se démènent et rivalisent.
Mais...
Mais il n'y a plus de jardinier.

Voyez mon ouvrage ici bas.
Des heures, des jours, des années.
Sans temps de jardinier, le jardin devient forêt suicidaire.
Règne de la folie brute.
Règne de la souffrance.

Celui qui Est souffre de cette absence.
De ce manque indicible.
Il se détruit de l'intérieur, rongé par sa propre substance.
Jardin perdu dans des gouttelettes qui ne peuvent plus l'atteindre tant les épines de sa folie l'ont carapaçonné.

J'ai fait un soir un beau voyage.
Par delà les eaux.
Par delà les dévoreurs.
Barque portée par une simple innocence, je ne fus pas inquiété.
Je l'ai vu.
J'ai contemplé son mal.
Depuis, je préfère souffrir que de me souvenir.
Mais le souvenir est toujours là. Puissant. Relent de beauté gâchée.
Un fruit est tombé de l'arbre, il devient pourriture.

L'arbre regarde son enfant et pleure son existence si terrible...


 
Nelle

Le Matal 14 Jayar 1511 à 00h53

 
Nelle regarde du coin de l'oeil le Masque arriver finalement, et sourit, du coin des lèvres, en notant avec amusement son improbable fraicheur.
Une entrée en scène tout à fait dans le ton de cet entretien, cela dit.
C'est elle, l'enfant sage, la jeunesse raisonnable, qui se sent subitement d'une modération excentrique au milieu de ces deux êtres hauts en couleur...
Sans pitié pour la probable gueule de bois du Confrère, Nelle lui relate d'une pensée le début de sa rencontre avec Batyias... avant de se plonger toute entière, les oreilles grande ouvertes et la respiration en suspend, dans le récit de ce dernier.

Lorsque le Kar'nem S'sarkh achève son récit, aussi puissant que concis, Nelle garde un silence presque religieux, durant de longues minutes.
Elle ne sait plus quoi dire, émue par ce témoignage, si simple et qui pourtant résonne et vibre d'une profondeur désarmante à ses yeux...

Puis enfin, relevant des yeux brillants, elle demande doucement, avec hésitation, d'un ton s'excusant presque de briser ce silence, et de questionner, encore, d'un air presque désespéré :


Mais même s'il est temps, ou encore temps, d'aller le sauver : qui donc le pourrait, Kar'nem S'sarkh ?


Knüt dit :

Heuuuu... alors je tiens à préciser, si jamais, par le plus curieux des hasards, l'idée saugrenue venait à s'insinuer dans l'un de vos esprits malades, qu'il est hors de question de s'embarquer sur une des coquilles de noix remplie de tarés illuminés qui prend régulièrement le large depuis le port de Lerth.
Sa Grandeur Marine Pleine de Ronces Célestes a toute ma compassion, hein, mais elle...


D'un geste délicat mais ferme, Nelle saisit son mou et le range dans une poche sans le laisser finir de totalement briser la solennité de l'instant.


 
Umbre

Le Matal 21 Jayar 1511 à 19h59

 
Mince. Le voilà qui rêve encore.
Où est-il ? Il est dans un jardin. Le jardin d'un temple.
A Lerth, oui, ça il se souvient. Non, y a deux secondes il était autre part.
Loin, très loin. Beaucoup trop loin pour s'en rappeler clairement.
Non, c'est ça, il ne rêve plus. Mais il rêvait y a deux secondes.
La voix de Nelle vient de la ramener sur le plancher des braxats malades de Syfaria.
Un court moment, il en veut à cette voix. Puis il en veut à Batiyas. Trop court.

Il y a des fois ou l'esprit est plus vif que l'homme. Souvent, chez Umbre.
Très souvent, quand il écoute trop attentivement un habile conteur.
Toujours, quand il le fait avec plusieurs grammes d'une drogue inconnue dans la carcasse.
Encore une fois, l'esprit a fait plus vite et plus loin que le bonhomme, maladroit avec les choses de la réalité.
L'esprit a suivi le rythme du monde, alors que son propriétaire marchait dans l'autre sens.

Mot par mot, le Masque s'est fait envoûté par le récit du vieux frappadingue.
Il a vu comme une odyssée, un homme seul, l'océan et...Merde...c'est une larme ?
Il a vu tout ça, peut-être même la Chose, au travers des vieux yeux encroûtés d'amour de cet illuminé.
Mais ce qu'il a vu, surtout, c'est la tragédie, le drame, une inspiration plus grande que tout.
Même, peut-être, plus grande que le Temps. Ou alors, qui échappe à son emprise. Il a du flair pour ça.
L'oeil de l'Artiste, mouille. L'autre oeil, celui du Confrère, brille.
Heureusement que les deux sont liés par le Luth.
Qu'il porte en lui comme un joyau.

Là, c'est plus qu'une simple note qu'on joue. Une clef dans la Symphonie ? Pardon, une Clef.
C'est à la fois la beauté de la chose et le voile du mystère qui le prennent à la gorge.
Il a brutalement l'envie de conquérir le monde. Ca lui fait toujours ça, un belle énigme.

Sans s'en rendre compte, il pose la même question que Nelle, mais différemment.
Ce n'est pas tout à fait la même question, donc, mais bon. L'idée est là.

Comment ?

Il y a beaucoup de comment, dans ce comment.
Il secoue la tête, nerveux comme un oiseau colorée de la jungle tropicale.
Quelle jungle ? Une jungle de Hauts-Rêvants, si ils avaient une jungle.
Ces abrutis n'ont même plus de désert. Le désert, bon sang, c'est le miracle.
Les Hauts-Rêvant ont perdu leur miracle. Ils ont tout perdu. Sale histoire.
Mais bref, le sujet n'est pas là. Oui, donc, il précise :

Comment chasser les ronces hideuses de son infinie douleur ?
Comment redécouvrir et cultiver les fruits prodigieux de l'éden perdu ?
Et planter des germes sains pour renouveler le jardin souillé ?

Comment faire cesser cette folie qui le consume et nous consume avec lui ?


Oh oui, il y a de la compassion dans ses mots. De l'inquiétude et ce qu'on appelle, de la Terreur.
Il y a aussi des espoirs de poésie inachevée, d'estocades avec le destin, de baisers du hasard, de panache dans l'inconnu.
Il y a l'amour des défis, la passion des énigmes, l'ambition de la démesure, l'orgueil de la démence.
Il y a l'envie d'avoir la rétine brûlée par la vérité, l'âme renversée par la plénitude.
Bref, dans ses mots, il y a la passion.

Et elle vibre comme un songe de Fyridor.
Un soupir de Sardoyanne.
Un pet d'Elchior...


Un visage est-il un masque de comédie posé sur la tragédie de l'âme ?

 
Batyias

Le Julung 7 Julantir 1511 à 00h28

 
Batyias ne répond pas ce jour là.
Il se perd dans ses pensées, marmonne puis oublie la présence de ses interlocuteurs.
Rien n'y fait, il ne revient pas à la réalité et se détourne vers ses plants de tomates, devenues centres multiples de son univers.

Ce n'est que quelques jours plus tard que Nelle et Umbre sont prévenus que le Kar'nem S'sarkh les attend vers le port.
Une fois arrivés sur place, ils trouvent celui-ci en train d'aligner des cagettes vides, sur une esplanade que les ouvriers ont délaissé suite à sa présence.
Il travaille dur, mais lève son regard à leur approche.
Et reprend la - ou une - conversation comme si de rien n'était...

Qu'étaient donc ces cagettes auparavant ?
Quels arbres les ont enfantées ?
Un seul, plusieurs ? Mélange d'âmes de vieilles branches ?

Je les aligne.
Je les dresse.
Je les mets en ordre.

Voulez-vous m'y aider ?
Car seul, je n'arriverai à rien. Seul, je ne ferai que suspendre l'envol.
Respirez la fragile frontière entre vie et mort.
Dans l'alignement, la mort recule mais c'est une illusion.
Alors que faire de ces cagettes ?
Que faire pour retrouver la vie ?



 
Nelle

Le Matal 26 Julantir 1511 à 16h06

 
Nelle est justement en train d'aider son ancienne nourrice Mir'ha au jardin -celui de la demeure Dymer- lorsqu'on vient la prévenir de l'invitation du Kar'nem S'sarkh.
Lorsqu'il s'est trouvé évident, deux jours plus tôt, que la discussion avec Batyias avait pris fin sans prévenir, Nelle a charitablement laissé Umbre aller retrouver son lit, l'invitant à venir se manifester à la villa Dymer lorsqu'il aurait l'envie, l'esprit et l'énergie de discuter de tout cela avec elle.
Elle-même avait d'ailleurs bien besoin de réfléchir à cette étrange discussion... même si au final, deux jours plus tard, elle ne se sent pas vraiment beaucoup plus avancée ou éclairée...

En tout cas, elle était bien loin de s'imaginer que cette conversation -ou une autre, difficile de savoir- reprendrait finalement, aussi c'est avec une vive curiosité -ce genre de convocation n'est pas vraiment dans les habitudes du Kar'nem S'sarkh- qu'elle se rend sans attendre au lieu indiqué vers les quais.
Sur place, elle ne met guère de temps à repérer Batyias et à le rejoindre devant ses cagettes. Elle salue cordialement le tydale, sans masquer sa curiosité, et écoute son étrange préambule... retrouvant aussitôt ce familier sentiment de totale incompréhension.

La discussion s'était close sur le sujet du S'sarkh... Faut-il chercher un rapport dans ces incongrues cagettes ?
Avec Batyias, difficile de savoir...
Nelle ne décèle, au premier abord, nulle frontière entre la vie et la mort, à travers ces cagettes vides alignées. Pourtant les mots de Batyias ne sont pas souvent totalement dénués de sens : celui-ci est juste difficile à trouver pour le commun des mortel...


Je n'ai pas la réponse à vos questions, Kar'nem S'sarkh, répond Nelle avec franchise, mais je peux volontiers vous aider.

Et imitant son Guide, elle se met à son tour à aligner des cagettes, tellement intriguée par cette nouvelle discussion qu'elle ne songe pas un instant à l'incongruité de la scène.

 
Umbre

Le Sukra 6 Agur 1511 à 05h33

 
Le Masque observait les cagettes, l'oeil vide.

Il avait très jeune décidé que les choses n'avaient aucun sens et que le monde était une farce, souvent mauvaise, parfois jolie. Que l'univers était une scène de théâtre et l'existence une pièce qui se déroulait, acte après acte, avec des acteurs qui jouaient dans le vide drames et comédies d'une vie absurde. Lui ? Un pantin, comme tous les autres, mais un pantin privé de son innocence, un pantin qui sait, désarticulé dans le sang, grandiose dans la verve et la plume. Alors il s'était fait marionnettiste, pour une mise en abîme sans fin et pour moquer les forces qui étaient à l'oeuvre en ce monde.
Des forces tragiques, joueuses, immorales et superbes. Comme lui. Il leur ressemblait. Il avait tout fait pour.
En ce sens, ces 5 dernières années lui avaient réussi. Il était plus qu'une ombre désormais.

C'était un masque. Et un miroir.

Que faire pour retrouver la vie ? murmure pour lui-même. Répétition.
Avait-il jamais été vivant ? Oeuvre d'art sans âme. Costume, statue, poupée. Comédien.
Oui, sans doute, avait-il vécu. Il vivait toujours, dans la Quête. Dans la beauté du geste et de la Geste.
Aucun bon sentiment ne l'avait jamais animé, dans rien. Il était superficiel, même dans sa grandeur.
Tout n'était qu'une question de style, de manière, de panache.

Peu importe le but. Sauver le monde, aider des gens, préserver un équilibre. Tss.
Le monde pouvait crever et ses locataires avec. Ce qui l'intéressait, c'était la façon de le faire.
Pour ça, il était capable de tout et surtout de l'impossible.

Le coeur étreint, comme une main froide qui serre la poitrine. L'envie de vomir.
Il observait les cagettes, l'oeil vide.

Il aimait bien Nelle. Elle avait l'étincelle qu'il ne pouvait avoir.
Et le vieux lui était sympathique. Parce que le monde était son jardin.
Elle était l'espoir, le vieux était la vie. Il était à ce point la vie qu'il doutait de lui-même.

Pour retrouver la vie, Kar'nem, je crois qu'il faut laisser le passé derrière soi et se tourner vers l'avenir. Abandonner l'ancienne et en commencer une nouvelle.
Les cagettes pourriront, elles iront nourrir la terre et feront pousser des arbres. Et ainsi de suite.
Les saisons passent et meurent. Mais elles reviennent toujours, subtilement différentes.

J'imagine que ce la signifie qu'il faut avancer.
Ne jamais cesser d'avancer.


Il aurait peut-être voulu dire que retrouver la vie, c'était l'aimer.
Mais il n'aimait pas la vie. Il n'en aimait que les artifices, l'ombre et l'illusion.
Ce qui était déjà trop pour lui, parfois. Et il se mit à aligner les cagettes.
De temps en temps, il fallait se contenter de soupirer.
Et d'apprécier les choses trop simples.


Un visage est-il un masque de comédie posé sur la tragédie de l'âme ?

 
Batyias

Le Julung 11 Agur 1511 à 00h29

 
Batyias écoute, c'est visible, mais il ne répond pas dans un premier temps.
Maugréant, il continue d'aligner des cagettes.
La tâche est longue et fatigante.
Les cagettes innombrables, car en réalité des ouvriers en apportent des nouvelles au fur et à mesure qu'elles s'alignent.

Au bout d'un temps incertain, des centaines sont alignées sur l'esplanade.
Et les allées et venues silencieuses des ouvriers laissent présager que cela pourrait très bien ne jamais s'arrêter.
Remplir l'esplanade.
La ville peut être.

L'île ?
Le monde ?

Batyias continue mais il lâche juste quelques mots vers Nelle et Umbre, qui sans doute commencent à être courbaturés de corps et d'esprit face à une telle activité...

L'infini ouvre des portes ou les ferme, mais une porte entrouverte le laisse pantois.
Quand les haricots poussent, vers où lancent-ils leurs rames ?
Vers le ciel, ou loin de leurs racines ?

A quoi sert de planter si on ne sait pourquoi...



 
Umbre

Le Vayang 19 Agur 1511 à 22h41

 
Conquête du monde par cagettes.
L'Adversaire aurait dû y penser.

Las du travail et des questions, le Masque s'assoit. Sur des cagettes.
Trop de points d'interrogations. Il ne pense pas le monde, il le vit. Les choses viennent.
Elles viennent et elles partent. Une danse, une symphonie, une pièce de théâtre. Une farce, encore.
Des doutes, beaucoup, mais une certitude. Les choses se font et se défont.
On peut les moquer, les combattre, les altérer.

Mais elles sont ce qu'elles sont et nous sommes qui nous sommes.
Influences visibles et invisibles, profondes et superficielles.
Tout est lié, à des échelles vertigineuses.

Notes, mots, fils, mouvements, pensées.
Pour lui, la vraie question c'est :

A quoi sert de savoir pourquoi ?

Il le dit dans un murmure. Pas sûr que le Kar'nem l'entende. Pas sûr qu'il écoute.
Et quand bien même : quelle importance ? Il précise, avec plus d'allant.

A quoi sert de savoir pourquoi, tant que la volonté y est.
La volonté, le désir, la détermination. Cela fait tout.



Un visage est-il un masque de comédie posé sur la tragédie de l'âme ?

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