Bienvenue dans le forum de Lerth
Les Sillons du S'sarkh

Les égarements du coeur et de l'esprit

Ou peu s'en faut.
Page [1]
Détails
Sujet lancé par Agliacci
Le 17-06-1511 à 23h49
1 message posté
Dernier message
Posté par Agliacci,
Le 17-06-1511 à 23h49
Voir
 
Agliacci

Le Vayang 17 Jayar 1511 à 23h49

 
Ce serait difficile à dire : pourquoi elle aime cette ville au premier coup d’oeil.

Une insolation, peut-être, à force d’être grimpée si souvent au mât du navire volant – aux grands cris de tous ? Ou bien, la faim et la soif, du genre tenace, qui cisaille cruellement son ventre et lui font ces épaules si raides ? Peut-être un élan naturel du cœur, quelque part entre l’estomac et le crâne en surchauffe, quelque chose comme un battement manqué, la marche que l’on oublie, la branche sur laquelle on trébuche.

Ce serait difficile à dire, songe-t-elle, doucement, au ralenti, enveloppée dans une veste qui il y a quelques jours encore appartenait probablement à un Nemen (même encore actuellement, les faits restent obscurs. L’on sait juste que l’obtention de cet exotique et rêche textile a impliqué beaucoup de cris, de corde, de poursuites trépidantes, de pince à linge et, pour une raison indéterminée, de sous-vêtements. Le tout pourrait faire une sacrée bonne histoire, oui, vraiment, très intéressante, mais ne sera pas rapportée ici et probablement nulle part ailleurs.) Ce n’est pourtant pas les mots qui devraient lui manquer, mais là…

Qu’importe : elle est arrivée ; à l’endroit où les routes rejoignent Lerth, au moment où Silith taille des ombres aigues et difficiles à franchir, là où les prémisses de la nuit embrassent les dernières lueurs du jour, cette trame inextricable dont l’étoffe est le rêve et qui, lorsqu’elle résonne, n’est que murmures, et Agliacci, les yeux fermés, la nuque en arrière, d’écouter tout cela, la brise fraîche de la mer comme une gifle froide, les blêmes insolences qui meublent son esprit vain, un claquement de porte, peut-être, là-bas, le tissu pâle de sa robe qui se tord autour d’elle et la solitude et le silence tout entier de Lerth – qui respire, pourtant, elle le jurerait ! Et peut-être que c’est ça, ce qui est difficile, et peut-être que c’est ça, ce qu’il y a à dire, et qui fait pâmer son esprit aux pieds d’une ville blanche et sans bruits.

Comme elle est…timide, cette brise ! Trop tiède ! L’étrangère – c’est ce qu’elle est – rabaisse la nuque, cherchant des yeux un visage à découvrir, un point sur lequel se fixer, une ligne sur laquelle bondir. Mais rien : que les perspectives basses et blanches de la Scintillante. Pas de coupable à foudroyer des yeux, pas de passant à poursuivre ou de public à enchanter. Et il faudrait aimer cela ? Comprendre cela ? Et pourtant Agliacci est heureuse comme le sont les mirages, d’une joie sans prétention ni manière, assurée de sa solitude, et, les bras écartés, retenant son chapeau de paille d’une main, de s’exclamer :

Plus fort ! Plus fort !

A la brise, histoire de voir si cette dernière a du répondant. Hélas, non. Peut-être que le vent ne parle pas le tydale … ? Il faut dire que même pour elle, sa langue maternelle a une résonnance bizarre dans sa bouche – ce qui n’est pas pour lui déplaire.

Enfin, pas de quoi en faire un drame : Agliacci pressent qu’il y a largement de quoi faire à ce sujet ici. On ne lui fera pas croire que ce silence est calme. Elle n’y comprend pas grand-chose, mais elle est butée sur ce point, elle peut l’affirmer haut et fort : le silence de Lerth, calme ? On l’entend presque penser ! Oh, non, elle n’y croirait pas le moins du monde. Pas lorsque qu’elle sait « ses » confrères et consoeurs si proches. Tiens, les clochettes d’Edaregord à elles seules suffiraient à sonner comme des carillons.

Se baissant pour reprendre ses légers bagages, la vagabonde en fait glisser les lanières sur les épaules et, sifflotant doucement un air de musique (songeant sans doute que le silence susmentionné ne concerne que les Témoins, en tout cas certainement pas elle) elle reprend son égarement entre les bâtiments.

Oh, bien sûr, Agliacci aurait pu faire comme beaucoup de gens intelligents et prendre une chambre à la taverne du coin, ou partir s’offrir un lit de paille et de puce à l’Orphelinat. Voire même, elle aurait pu s’engouffrer au fundeq du coin et réclamer le droit de s’affaler dans un lit de coussins moelleux et parfumés, ceci juste après avoir pris un de ces bains chauds, le genre de bain sur lesquelles flottaient des fleurs et dont on sortait enroulés dans des serviettes neuves et très blanches. Oui, la tentation, après deux jours passés à écumer la mer et à grignoter du pain rassis, est très tentante. Mais voilà, dans un élan d’optimisme quelconque, la consoeur a décidé qu’elle dormirait…chez l’habitant !

Génial, non, comme idée ?

Les avantages sont nombreux : pas de prix de location, exotisme, rencontre sociale, possiblement proche des tavernes du coin…(car il devait y avoir des tavernes quelque part, autre que le S’sarkh Miséricordieux. Par pitié, pourvu qu’il y ait d’autres tavernes !) …et accessoirement, le meilleur moyen de s’immerger dans la langue locale, on ne le répétera jamais assez, surtout lorsqu'on ne la connaît pas, ce qui permet même d'y couler et de s'y noyer ! Et puis, il faut voir ce que la nuit de Lerth a dans le ventre, non ? Une ville, ça se mesure à la sensation du sol sous les pieds, aux ombres des habitants qui fuient aux carrefours, aux tintements des verres, aux silences des prières...ça se sent, voilà tout.

Auréolée de détermination, parfaitement sûre de son plan, la tydale se laisse perdre dans les sillons de Lerth, guettant son/sa futur-e hôte à la manière d’un pêcheur attendant le brochet. Hmmm. Ses métaphores commencent vraiment à s’émousser, il est grand temps qu’elle trouve de quoi se nourrir. Petit, petit hôte, viens par ici...


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

Page [1]
Vous pouvez juste lire ce sujet...