Bienvenue dans le forum de Lerth
"Au S'sarkh Miséricordieux"

Rencontre au bout du monde.

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Sujet lancé par Antiorn
Le 04-07-1511 à 18h04
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Posté par Antiorn,
Le 27-02-1512 à 16h15
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Antiorn

Le Luang 4 Julantir 1511 à 18h04

 
La mer.
Omniprésente ici.
Elle se fracasse sur les falaises, les murailles.
L' écho des vague se réverbère et ne vous lâche pas d'une semelle.
Ici la mer vous poursuit pour vous rappeler sans cesse que l'île se termine à vos pieds.
Bienvenue à Lerth, la cité du bout du monde.

Bien entendu, ce n'est là qu'une question de point de vue.
Pour tout Lerthien, Lerth n'est que le départ de la route.
Pour les confrères, elle est son point final.

De la fenêtre béante de l'auberge où il est attablé, le directeur du fundeq dodeline de la tête au gré de la mélodie des vagues et du ressac. Le S'sarkh miséricordieux est pourtant un des endroits les plus reculé des côtes. Malgré tout, toujours la mélodie de la mer demeure en trame de fond. Le dernier astre solaire décline et touchera bientôt les ondes du bout des orteils. Antiorn apprécie ce moment. Entre jour et nuit. Chat Blanc devient Noir.

Le moment idéal pour revoir Aggliacci à l'autre bout du monde.
Il savoure l'expectative de la rencontre. Le personnage n'est pas banal.
Elle du panche, de l'aplomb, du feu et de la foudre.
Elle n'a pas encore été touchée par les secrets, les épreuves et l'inévitable déclin du monde.
Elle le désire, il le sent.

Elle est curieuse.
Une qualité sublîme, un défaut mortel.
Et il n'a pas le coeur de lui barrer la route.
Il sent qu'elle désire sa part de mystères.
Sait-elle seulement sur quelle route aussi odieuse que dictame elle s'embarquerait ?
Comment le pourrait-elle ?

Elle ferait une alliée formidable.
Il faudrait seulement la sacrifier comme les autres l'ont fait avant elle.
Dommage...


N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...

 
Agliacci

Le Julung 14 Julantir 1511 à 15h30

 
Dommage !
Il faudrait encore mettre son cœur sur la table, au risque de l’y perdre.
Il ferait un professeur formidable, pourtant.

Mais pourquoi le voudrait-il ?
Sait-elle seulement sur quel fil elle se promet de danser ?
Elle sent bien qu’il se trame quelque chose.
Et elle n’a pas le coeur de dire : « non. »
Une qualité détestable, un défaut superbe.
Elle s’interroge.

Il lui cache quelque chose, elle le sent.
Elle ne sait rien de ce qu’il sait, mais, dans le clair de ses yeux, elle fouille déjà l’ombre des doutes.
Il a du génie, de la souplesse, de l’eau et du sel.
Elle savoure cette rencontre. Le personnage n’est pas banal.
Le moment est idéal pour reparler à Antiorn au début de la route.

Et ce Chat Blanc qui veut devenir toujours un peu plus Noir. Ni soleils ni lunes - ni l’autre. Agliacci affectionne ces éclaboussures de temps. L’ultime soleil fait éclater ses rayons aux pieds des ondines et se noie – d’amour. Et malgré tout : les étoiles qui pleuvent, l’effacement continuel du monde, la vanité et les idéaux qui se perdent – est éternel, ce va-et-vient langoureux de la mer qui danse sur sa propre mélodie. On ne la voit pourtant pas du S’sarkh Miséricordieux, bien trop éloigné des côtes. Mais en fermant les yeux, l’artiste du Luth peut recomposer la pâle traînée aquatique épousant le sable tiède, la caresse du ressac sur un monde devenu soie et reflets solaires, la lumière mutine qui joue de l’horizon jusqu’aux fenêtres béantes de l’auberge…et ses pieds tanguent à leur gré.

Pour les confrères, elle est son point final.
Pour tout Lerthien, Lerth n’est que le départ de la route.
Bien entendu, ce n’est qu’une question de point de vue, et, bien entendu, ils ont tous deux faux.

Dites bonjour à Lerth, le mirage du bout du monde !
Ici le sol vous poursuit pour vous rappeler sans cesse que la mer inaccessible commence à vos pieds.
Il n’y a que des résonnances lointaines, continentales, qui vous collent les orteils sur la berge.
Elles errent comme des fantômes près des murailles, près des falaises.
Il n’y a qu’un seul lieu ici.
La mer.

***

‘Jamais étale, mémoire des étoiles…’, qu'on l'appelle, en poésie, la mer. Vous savez, celle qui vous fait si envie, avec ses vagues lourdes et son échine, grise, qui vous tente et ne courbe jamais l’horizon… ça, c’est de la fierté, ça, c’est de l’orgueil, ça, c’est de l’aplomb ! Quand les femmes étaient femmes et les hommes étaient hommes, - si ce temps a jamais existé ! -, ils devaient avoir ce même bleu sans fin dans les yeux et pareille échine, une droiture souple qui vous fait sombrer tous les soleils du monde…

Il y a une fenêtre ouverte dans l’auberge où Agliacci doit retrouver Antiorn, le grand acrobate de l’inattendu. Une histoire d’anneau à rendre serait à la base officielle de cette rencontre. On murmure en coulisses que quelques questions mal posées par pensées guetteraient leurs réponses. Ce que c’est bavard, les coulisses ! En repérant cette brèche architecturale, l’esprit de la tydale ne fait qu’un tour. Pensez ! Pourquoi passer par la porte d’entrée lorsqu’on peut se hisser par la fenêtre ! Avec un peu de chance et de doigté, peut-être parviendrait-elle même à surprendre à nouveau son confrère. Agliacci se dirige vers l’ouverture.

C’est ainsi qu’Antiorn peut observer une Agliacci parfaitement sereine et assurée escalader le pourtour de la fenêtre, se glisser tranquillement sur la table, et lui passer devant le museau en l’ignorant totalement, occupée à se recoiffer à l’aide de ses dix doigts et à balayer la salle du regard, apparemment concentrée.

Puis s’arrêter quelques pas plus loin.

Et, sans se retourner, refaire marche arrière, pivoter devant Antiorn, le détailler pendant deux secondes d’un air suspicieux et s’illuminer soudainement d’un beau sourire. C’est que cela lui fait sincèrement plaisir de retrouver ce dernier. Deux iris calmes et vairons viennent croiser le regard du directeur, alors que déjà elle l'assaille gaiement :


J’étais à peu près sûre que je vous trouverai ici : au croisement des routes, au croisement des astres…seule une âme d’explorateur et de poète à la fois goûterait à cette configuration. Dommage, que je me sois trompée en ce qui concerne le croisement des fenêtres...j'aurai parié que vous seriez au fond de la salle, vous savez, là-bas...

Avih Antiorn, c’est un sincère plaisir que de vous revoir , assure-t-elle gravement en lui tendant la main, l’allure tout à la fois enjouée et joueuse. Et à l’autre bout du monde, qui plus est !…


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Antiorn

Le Julung 14 Julantir 1511 à 18h55

 
Non...
Elle n'osera pas...
Si ?
...

En même temps, s'il apprécie tant cette dame qu'il connaît au fond si peu, c'est un peu pour ça...

Agliacci arpente la table,
Antiorn la regarde passer, hébété.
Amusé.
Un moment précieux pour un "vieux symbiosé" pour qui le monde est de plus en plus terne.
Menaçant, secret, menteur, sans issue...

Du panache et de l'impropmptu.
Elle a réussi à le mettre dans une situation où il se retrouve pantois.
Il ne sait que dire pendant qu'elle l'ignore royalement.
Ceci est peu habituel. Elle l'a terrassé momentanément et il s'en roulerait par-terre.
Le félin se replace la tignasse et repart vers le fond de la salle et lui, il applaudirait.
... s'il avait que faire de sa carcasse en ce moment, il va sans dire.

Volte-face, la revoilà qui raplique.
Splendide consoeur qui sait faire une entrée.

ACTE 1 SCÈNE 1 ... ou est-ce plutôt 2 ?
Peu importe, le dialogue s'entame.

Oh ! Si le propage Samaël était dans le coin, nous serions en train d'échanger des contes et des chants près du feu. À défaut d'attendre seul, je prends la compagnie du vent salin du large. Vous n'avez donc eu qu'à demi-tort.

Il se lève, sourire radieux aux lèvres, puis attrappe la main de la belle pour la porter doucement à ses lèvres.

C'est un réel plaisir que de vous revoir. Cet ailleurs vous sied à merveille.

Il passe de l'autre côté de la table pour lui tirer une chaise.

Achara disparue, probablement en quête onirique, et Crooot repeinturant sans doute les canivaux de Lerth, je me retrouve bien seul face à mes nouvelles responsabilités. Votre visite était inespérée.

Une chimère passe, le nelda se rassoit.

Fine oenologue que vous êtes, j'ai pri soin de faire une sélection pour agrémenter la soirée. Être directeur de comptoir n'a pas que des inconvénients...

D'un geste de la main, le Blanc Nelda fait signe d'apporter l'apéritif duement sélectionné. Quelques secondes et un Château de Rivesaltes fait son apparition sur la table.

Vous avez fait bon voyage ?


N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...

 
Agliacci

Le Julung 21 Julantir 1511 à 20h54

 

De n’avoir qu’à demi tort, Messire, je tordis à deux mains mes raisons. Enfin, qu’y voulez-vous : on a les hasards qui nous sont destinés. Ne pensez-vous pas ?


Agliacci a les yeux qui pétillent. Elle s’assoit sur la chaise offerte à la manière d’une princesse, le visage aussi clair et tranquille qu’au premier jour où elle est née.

Il faut dire qu’Antiorn a une aura spéciale. Chez elle, c’est le calme qu’il lui inspire. Une assurance tranquille, sans prétention, sincère, une vérité qui ressort brusquement dans ses gestes et dans ses mots. Qu'elle a envie de dire, de confier, comme à un ami de toujours. Qu'elle se souvient pourtant de retenir encore un peu, le temps des cordialités.

Rivesaltes ? Du vin pour femmelettes, Messire. Ce qui tombe bien : j’en suis une. Doux, et sucré : très bon choix, pour un début de soirée. Faites-moi penser à remercier le directeur du comptoir de détourner les fonds du fundeq pour le bon plaisir de ma glotte. C’est très galant et sympathique de sa part.

… Mon voyage ?


Quelque chose dans sa posture indique qu’elle n’a rien à cacher, qu’elle vient sans armes et sans masques. Elle dresse deux yeux clairs et sans nuages vers le nelda et se tait, comme absorbée par une songerie volatile. Un ton plus bas :

Par maux et par rêves, Antiorn. Par maux et par rêves.

D’un geste vif, la tydale se saisit de la bouteille, l’ouvre et en remplit les deux verres.

Je me souviens de quelques scènes assez intéressantes, et je crois être repartie avec plus de monnaie en poche que je n’en avais en partant, sans doute l’effet secondaire d’une très curieuse obsession qu’a formé une partie des passagers : me battre au poker. Je n’ai malheureusement pas réussi à charmer le capitaine Nemen, ce qui était bien dommage, et j’en mets la faute sur mon peu de vocabulaire dans cette langue ; si ma mémoire est bonne, en tentant de lui affirmer mes bonnes intentions envers sa longiligne personne, cherchant sans doute à lui démontrer que tous les Nemens ne pouvaient pas rester en stase, j’ai dû marmonner quelque chose comme « grattez-moi le dos à la confiture. » Cette partie-là du dit voyage n’était pas franchement la plus flatteuse pour moi.
Ah, j’ai aussi été sauvé par Hohen en traînant mes guêtres dans l’Amody, et j’ai rendu à la bonne fortune la monnaie de sa pièce en donnant le même service à quelques jeunes confrères désireux d’en découdre – à n’importe quel prix, apparemment.

J’ai aussi eu le temps de me perfectionner à l’aide de l’instrument que vous m’aviez offert, et je dois encore une fois vous remercier pour cela. Je me sens presque musicienne, avec tous ces instruments que je commence à collectionner.

Et vous-même, Messire ? Comment vous portez-vous, depuis notre dernière rencontre ?


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Antiorn

Le Julung 21 Julantir 1511 à 22h34

 
Il sirote son verre en écoutan ses aventures aériennes.
Il fut un temps où il se mêlait aux passagers, discutait avec les Nemens.
Il fut un temps où il se sentait moins isolé.

Il était alors chambellan des Caravanes,
Saville de la Recherche,
Umbre des Arts,
Jemori de la Diplomatie,
Trinité du Calligramme,
Melrilgil de l'Arcane,
Cleya du Commerce intérieur,
Yeshal de l'Ordre.

Avec une telle équipe pour assurer ses arrières, il était facile d'être fou et invulnérable.

Il sirote son verre en écoutant sa fougue.
Il se sent vieux mais se garde de le montrer.
Il n'a pourtant pas l'âge de regarder en arrière

J'ai tout perdu ! , lance le blanc nelda avec un sourire en coin. J'ai troqué les notes et la prose pour la plume et le boullier, la route et les aventures pour un bureau fourni et des tonnes de paperasse. Ainsi est faite la roue de ma vie, une alternance d'obligations, d'art et de voyages. J'ai déjà trimé pour les horloges, j'oeuvre maintenant pour un projet un peu plus personnel. Mais toujours Arameth est ma Muse et ma dédicace.

Une gorgée, un clin d'oeil.

Je suis venu me terrer ici pour trois raisons.

La première est de m'imprégner des vues non-conventionnelles et centenaires qu'ont les Témoins quant à la Corruption. Cette piste me fut donnée à Ulmendya par l'Assemblée des Nemens qui restent.

La seconde est de m'immiscer discrètement dans les confidences du Terreau. Lentement, mais sûrement. Oh, je ne me leurre pas, la Vieille semble se méfier de moi et voudrait bien me garder à un bras de distance. Mais j'ai maintenant un pied dans l'horloge et compte bien être accueilli dans la Pyramide du Terreau à mon prochain passage à Arameth.

La troisième est de passer un été à la mer.


La cadence est bonne et il ressert des verres d'une main experte, quoi que peut-être moins habituées au geste que celles de la tydale.

Il fait souvent trop chaud ces mois-ci à Arameth pour farfouiller les ombres de l'histoire poussiéreuse et tenter de les réconcilier avec notre possible avenir. Les temps sont calmes. Très calmes. Mais ne le resteront pas éterellement. La Confrérie a toujours brillé dans ces instants dramatiques où la Poussière a été mise en péril et ce, jamais par l'épée ou par l'explosion de mana. Nous étions où il faut, quand il le fallait.

En gros, voilà pourquoi je suis à Lerth, et voilà comment cela se passe.
Le jour, je bosse, je trime, je comptabilise, reçois, importe, exporte, détourne les fonds pour votre gosier.
La nuit, je fouille, questionne, interroge, espionne, fabule, délire, flaire et piste.

On peut dire que vous me prenez à l'heure du loup
, dit-il, sourire théâtralement carnassier en finissant un autre verre.


N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...

 
Agliacci

Le Julung 17 Nohanur 1511 à 21h45

 
Un petit rire.
Flûté, léger, un rire de feu follet.


Messire, vous faites danser mes rêves !

Sur la table, la tydale a posé ses coudes et elle se penche d’un air de conspiratrice vers le nelda. Ses yeux brillent alors qu’ils vont posément trouver ceux d’Antiorn, cherchant impudemment à en apprendre les recoins et les secrets.

Et le loup, quant à lui, que veut-il prendre à son leurre ? demande-t-elle, plus bas, déformant sciemment la parole d’Antiorn.

Un regard en biais l’informe de l’emplacement de son propre verre. Agliacci, cette chevalière de l’Éthylique, a tôt fait de lui régler son compte.



Oui, il est vrai que vous aviez toujours su être là où il fallait, quand il le fallait. Depuis le début, n’est-ce pas ? Jamais plus lourd d’une plume, plus lumineux qu’une ombre. Et pourtant…toujours là.

J’ai conscience, Messire, qu’il fût autrefois un temps où vous n’étiez pas aussi esseulé, si vous me permettez cette expression.

Sans doute aviez-vous trouvé une meute à votre goût, là où je n’étais encore qu’une nomade qui n’aurait jamais cru être symbiosée un jour – a fortiori, à votre table, buvant votre vin. Ah, à ce sujet, laissez-moi vous resservir…

La tydale n’attend pas la réponse avant de s’acquitter gracieusement de sa tâche. Elle paraît soudain plus timide, appliquée ainsi, le front quelque peu incliné, à parler bas et sans regarder son interlocuteur.

Et puis, petit à petit, ceux que vous connaissiez ont disparu. Où ? Personne ne le sait. D’autres figures ont émergé. Certaines – combien ? trop peu – sont restées, sans doute. Et vous, vous êtes toujours là.

Le monde d’Arameth et la sphère de la symbiose ne sont pas étrangers à votre nom ni à votre histoire. Vous savez ce que c’est : ça parle un peu par ci, un peu par là, on ne sait pas très bien démêler le probable du n’importe quoi, le clair du sombre, le chien du loup…mais là encore, vous y étiez.

Pourquoi vous, et pas un autre ?

La poussière a-t-elle jamais su pourquoi certains étaient voués à la folie ?

Et encore combien de temps, avant que vous ne vous évaporiez à votre tour ?

Et dans cent cycles…quelles seront les légendes qu’apprendront les mômes de la Confrérie de leurs aînés, ceux du temps de la Rédemption ? Quel drôle de rôle vous jouerez alors, vous qui avez été poussière, d’avoir touché l’immortalité ! On en contera des bonnes, j’en suis persuadée – et j’espère bien en avoir écrites quelques unes ! Vous y pensez, parfois ?

Cette fois encore, elle rit. Et relève ses yeux de fauve solitaire, sans gêne aucune, désintéressés.

Elle n’a rien à gagner de cet entretien et le sait très bien. Mais quelque chose chez Antiorn la pousse naturellement à lui parler comme si cela n’avait aucune incidence, comme s’il n’y avait pas de lendemain, qu’elle le connaissait depuis toujours. Etait-ce dû à l’habileté du nelda pour mettre ses compagnons à son aise ? A autre chose dans son aura ? Peut-être était-ce d’elle-même que venait ce sentiment un peu flou, un peu vague, qui lui faisait dire la vérité et tendre naturellement aux brusqueries sans détours. Elle n’aurait su le dire. Elle n’attendait, pour être franche, rien de lui. Simplement, c’était Antiorn. Probablement quelqu’un qu’elle ne côtoierait jamais au quotidien, mais dont elle avait l’intuition ; la rencontre au croisement, le magicien du crépuscule, ce moment où l’impossible n’existe plus, ce présent détaché de toute temporalité. Le vieil ami qu’on retrouvait au carrefour. Cela tenait à peu de choses, mais c’était ainsi.

Inexplicable.


Moi, souvent.

Il me semble parfois n’être qu’un de ces personnages de roman, à peine matérielle. Une héroïne quelque peu bâclée par l’auteur, je vous l’accorde, mais néanmoins ! Une poussiéreuse de papier et d’encre. Cette vie ne pourrait être qu’un rêve, et nous ne pourrions êtes que des contes qui cherchent à devenir mythes, de ces histoires folles et abracadabrantes qui peuplent l’imaginaire de la poussière…


La tydale suspend sa confidence, pensive.

Vous savez pourquoi je suis ici ce soir, Antiorn.
Pour connaître la meute.
Et vous savez que je n’en démordrai pas.
Parce que nous sommes là où il faut, quand il le faut.
Je n’ai pas tort.


Affirmation tranquille. Elle sourit au nelda, consciente d’avoir longuement occupé le temps de parole.

Et fait un geste de la main en direction de la fenêtre.


Ah ! La nuit tombe, Messire ! Le moment idéal pour votre réplique, ou bien je ne suis pas dramaturge !


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Antiorn

Le Vayang 18 Nohanur 1511 à 17h15

 
Mais la meute est décimée, malheureusement.
Saville disparu lors d'une de ses expéditions,
Adrian Stase lors d'un voyage à Lerth,
Yeshal quelque part entre le Matriarcat et la Forêt qui chante,
Aliundil perdu dans un Pillier...
Alouette...

Le regard du nelda se voile de nostalgie.
Il soupire, fait remuer son verre.
Mais toujours un sourire envahit le coin de ses lèvres.

Je ne pense pas aux histoires que compteront les artistes de demain.
Mon jeu à moi est de tenter de placer les grains de poussière pour faire dérailler la machine, éternuer le S'sarkh, ou donner la berlue aux rejetons et aux Nemens à la fois.
Ce n'est pas aisé, mais c'est possible. Et c'est notre seule chance.
J'ai assez longtemps marché sur le fil de l'horizon entre folie et magie, rêve et brutale réalité, passé enfoui et avenir.
Vous le savez, je suis un chasseur de chimères.
Et vous en brûlez d'envie.
Mais il y a une note à payer.


Lentement Antiorn porte son verre à ses lèvres et savoure, soutenant le regard pétillant de la belle.

La meute que vous désirez connaître est composée de fantômes.
Elle est décimée et éparpillée de par le vent.
Cette meute qui a d'abord mis en geôle le terrible Elis par le mouvement d'une plume,
Puis a recueilli à elle seule la moitié des Obsessions,
Arpenté la Tour du Concile,
Visité le Néant,
Suivi le testament d'Alveck sur la piste de l'Horloger,
Cherché sa trace dans le monde des Rêves,
Mis la main sur deux des Six,
S'est entretenu avec chacun des Premier-Nés,
Entendu les confidences du Roi Vortex Armaryen,
Découvert la Septième Horloge,
Créé le Rituel qui a brisé le Tark'Nal...

Et plusieurs d'entre eux m'en voudraient de ne serait-ce que murmurer ces fabulations.


Léger rire étouffé.

Mais les absents ont toujours tort.
Quelqu'un doit bien poursuivre la danse...
mais ne vous méprenez pas,
c'est une de ces danse qui vous donne le tournis au point de ne plus savoir qui vous êtes...
et vous laisse les chevilles en sang...


À son tour il pose les coudes sur la table et plonge son regard vert et clair dans le sien.

C'est bien cela que vous désirez ?
Danser ?


Elle ferait la parfaite chasseresse.
Elle et de la bonne trempe, il a toujours eu l'oeil.
Il ne peut s'empêcher d'en être excité.
Il ne peut s'empêcher de trouver cela dommage.

Il y a une raison pour laquelle la meute est disparue.
L'Amertume.
Seuls lui et Umbre demeurent.
Et il est probablement le mois abîmé des deux, ceci dit sans rien enlever à son vieil ami.
Le Masque a toujours été le premier à foncer tête baissée.
Sublîme intrépide, stupide adolescent.

Les chimères inspirent, la chasse est excitante, l'aventure est la plus puissante des drogues...
Mais les révélations blessent.
C'est là malédiction de l'entreprise.
C'est là que la distance achève les plus braves.


N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...

 
Agliacci

Le Luang 21 Nohanur 1511 à 19h37

 

Elle hoche tranquillement la tête.

Sourit.

A la simple mention du mot « danse », ses pieds semblent se tortiller sous la table, prêts à virevolter ; son esprit, lui, s’affaire à brûler d’impatience.

Oh, pas qu’elle ne comprenne pas le danger que semble pointer du phrasé Antiorn, qu’elle ne devine pas sa présence périlleuse derrière un exploit ou deux, à la manière d’un squale dans la mer.
Pas non plus qu’elle puisse l’appréhender, lire les lignes entre les vocables.

La pauvre, elle est ignorante, magnifiquement ignorante, terriblement volontaire…

Et un certain dessillement dans ses yeux.
Une certaine manière d’évoluer dans la foule.
La courbe parfaitement assurée de son sourire.

Tout cela le dit : elle n’a rien à perdre. Rien dans les poches, rien dans la caboche, rien dans le palpitant. Fini, nada, niet ! La tydale a chassé son ombre de sous ses pieds et s’en est retrouvé toute étourdie. Ça alors, quelle solitude ! Elle qui pensait prendre la tangente, la voilà qui tangue au bout du monde. Elle souhaitait la gloire, le meilleur du meilleur, une place en haut de l’affiche et le premier rôle à son titre : le délire en rit encore ! Et c’est en corps quant à elle que la tydale a perpétré ses voltiges de l’espoir, ses tutoiements de l’indicible et ses effleurements du magique. Rien à perdre : tout à faire !

A sa propre manière, elle est encore là. Peut-être que ça veut dire quelque chose.

Bien sûr elle ne peut pas expliquer tout ça à voix haute, débroussailler le pourquoi du comment et retracer la géographie de ses aléas. Ça ferait longuet. Du coup, elle se contente de dire :


Ce n’est pas ce que je désire ; c’est ce que j’ai toujours désiré ; jamais connu rien d’autre – non m’sieur ! non madame ! – jamais connu rien d’autre qu’une soudaine envie de danser…jusqu'au bout du Temps.


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Antiorn

Le Merakih 23 Nohanur 1511 à 23h04

 
Jusqu'au bout du temps...
Ces derniers mois, il a l'impression que cette métaphore est sur le point de se réaliser...

Antiorn plisse les yeux.
La scrute un instant, impassible.
Puis, lentement, il sort un sac de velours noir de ses robes et le pose sur la table.

Il fait durer le plaisir en remplissant les verres.
D'un signe de la main il commande une autre bouteille.
Sans piper mot, il fait tourner sa coupe et y porte les lèvres avant de retourner à l'objet.

Du sac il sort quelques haillons.
Des haillons il sort...
Un vieux bout de tuyau.

Tout ce qu'il y a de plus banal.
Tout ce qu'il y a de plus inintéressant.
Un bout de tuyau brisé qui plus est.

Sourire.

Les chimères prennent parfois des formes inattendues.
Si je vous disais que ce qui se trouve devant vous est un merveille...
seriez-vous en mesure de me croire sur parole ?


N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...

 
Agliacci

Le Luang 28 Nohanur 1511 à 22h05

 
Quel suspens !

C’est qu’il sait y faire, le bougre : regardez bien, cher lecteur, comme le sieur au blanc pedigree sort de ses dessous (ses robes ?!!) un étrange sac en velours noir…

Le pose sous la table…

Puis se sert un verre.

Oui, comme ça, genre peinard, les pieds sur la table, façon grand seigneur : « Moi, chère Madame, je détourne les fonds du fundeq quand je veux », et vas-y-t’y pas qu’il en rajoute en plus, et qu’on se reprend une bouteille, mais oui, évidemment, tant de révélations soudaines, ça mérite bien qu’on se rince le larynx avant de l’ouvrir…

Insupportable créature !

L’imagination de la tydale ne fait qu’un tour. Tout d’un coup, c’est sûr, ce sac contient tous les secrets jamais formulés, les anagrammes les plus tordus, les énigmes les plus miroitantes ! Puisque je vous le dis ! Elle parie dix, vingt, non, cent lépidolites (elle s’en moque, c’est une bohème) que c’est l’univers tout entier qui gémit et vagit dans ce petit contenu en velours. Parce que, justement, ce sac est en velours ; noir, qui plus est – la couleur du mystère par excellence, à moins que ce ne soit le violent, enfin bref - ; et qu’il sort tout droit des tréfonds vestimentaires d’Antiorn, en faisant un des objets les plus intéressants qui soient sur Syfaria.

Ça, pour sûr, ça finira dans les « Milles et uns faits amusant des personnalités de Syfaria », œuvre génialement grandiose en cours d’élaboration - il manque encore beaucoup de faits - écrite par la pas du tout célèbre Mlle Odile Crock ( dont le slogan évocateur : « devinez de qui donc s’agit-il ! » ne fait pas du tout rage dans les bibliothèques confraternelles. A quoi bon s’échiner à écrire et publier des romans d’informations géniaux, puisque personne n’y fait attention ? Personne ne le sait, mais Mlle Odile Crock persévère néanmoins dans son effort insensé pour remplir toutes les étagères de Syfaria de ses bouquins rigolos.)

Bref, Antiorn a mis un sac sur la table et boit un coup.

La tydale sourcille quelque peu mais ce qui lui tient lieu de sens dramaturgique accepte l’invitation au suspens. Elle joue son rôle d’impatiente, boit du bout des lèvres, alterne optiquement entre son verre, Antiorn et le sac.
Par les Six, que contient-il ?!!

C’est là qu’Antiorn l’ouvre.

Dévoilant des haillons.

A-t-elle bien vu ? Sourcillant d’autant plus, la tydale se penche sans y faire attention en avant sur la table, comme pour avoir meilleure vue de l’objet.

Oui, bon, c’est un sac plein de fripes, et alors ?

Et tiens, maintenant le voilà qui lui montre un tuyau.


Ce qui est sûr, ce que n’est pas n’importe quel tuyau, commente-t-elle. J’ai rarement vu tuyau aussi ennuyeux et décevant.


Si ça se trouve, le nelda se paye sa tête. Ou alors elle a trop bu.

Oui, c’est vrai, elle considère très fortement la possibilité que ça soit une blague mais se décide finalement contre. On ne garde pas de vieux morceaux de tuyaux sous ses robes pour faire des blagues aux gens. Non, vraiment pas, mais vraiment pas, à moins d’être sérieusement siphonnés du bulbe.

Et puis, après tout, pourquoi une merveille ne prendrait-elle pas la forme d’un bout de métal cassé ? Rien ne l’en empêche. Cela serait même plutôt original. A quoi bon de grands éclats de mana, des épées magiques aiguisées, des portes spatio-temporelles et autres vaisseaux volants quand un bout de tuyau pouvait vous servir de...de... trompette ? On ne peut pas s’attendre à tomber sur des anneaux magiques à tout bout de champ, ce serait franchement casse-doigt à la longue.


Vous croire, oui.
Sur parole, oui.
Mais je ne vous cache pas que je tâcherai tout de même de vérifier…
D’où provient-il ?
A part de vos robes, je veux dire,
rajoute-t-elle avec ce petit sourire dont les créatures féminines du multivers ont le secret lorsqu’elle pense à quelque chose de drôle qu’elles seules peuvent comprendre.


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Antiorn

Le Matal 29 Nohanur 1511 à 16h07

 
Oui, bon.
Antiorn est vêtu de robes...
De ces robes que les mages du Limonaire confectionnent et affectionnent.

Pas de ces robes de soirée mondaines à la mode d'Arameth, avec perles (sombres), col de plumes multicolores, échancrure généreuse et fente le long de la cuisse. Non. Pas de ces longues robes cintrées à la taille pour épouser les formes chétives de ces imberbes tydales. Quel être tordu pourrait bien penser, même en blague, que le Blanc Nelda oserait porter telle robe ? Tel attirail, selon lui, sied déjà plutôt mal aux femelles de sa race... Non. Plutôt ne pas y penser.

Mais passons...

"D'où provient-il ?", demande la belle.

"De la Tour du Concile.", répond le loup.

Sourire mutin.
Il va devoir remonter à loin pour expliquer tout ça.
Le temps d'un soupire, d'une rasade et d'allumer un cigare et il se lance.

Vous connaissez au moins de nom les Obsessions. Ces artefacts Nemens qui ont fait courir la Poussière en son ensemble. De simples miroirs. Anciens, certes, mais des miroirs. Des miroirs qui sont autant de passage vers un lieu unique, hors du temps et de notre réalité. Un non-lieu devrais-je dire. Un non-temps. Des miroirs vers nulle part. Un néant où croupissent des âmes Nemens vieilles comme notre monde. Des âmes folles de douleur qui peuvent accomplir des choses dont nous ne pouvons que rêver. Des âmes contraintes par une souffrance perpétuelle. Les Obsessions chantent et, lorsqu' hamonisées, peuvent altérer la trame de la réalité de façon drastique mais harmonieuse. Nous avons eu nombre d'Obsessions en résidence à Arameth et avons eu la chance de les observer avant de découvrir ces âmes. Et d'un point de vue purement terre à terre, les propriétés de ces objets sont pour le moins étonnantes. Notamment celles du métal les composant...

Le métal génère de la chaleur comme seule la vie devrait pouvoir le faire. Son poids varie d'un instant à l'autre, il flotte sur l'eau alors qu'il devrait couler à pic... tant de non-sens pour le plaisir de nos sens ! Ce métal nous était alors inconnu. Je sais maintenant que ce métal compose les artefacts Nemens, la Tour du Concile, le piano s'y trouvant qui pourrait bien être un des Six. Ce métal compose le Poinçon. Les Nemens ont forgé leurs plus grands artefacts de cette matière singulière. Et le roi Vortex m'a un jour confié que le seul gisement se trouve au fond du Grand Lac, ce qui le rend difficile à extraire, même pour les Nemens.

Il pousse le tuyau vers elle, le faisant glisser sur la table.

Ce bout de tuyau est composé d'un alliage de ce merveilleux minéral et de métaux plus courants. L'ex-chambellan de l'Arcane Melrilgil et moi nous en sommes assurés.

Antiorn tire sur son cigare et expire, admirant les tourbillons des volutes. Il se cale sur sa chaise et sent une certaine légèreté l'envahir. Serait-ce l'alcool, déjà ? Ou serait-ce plutôt le fait de refiler cet objet à la belle ? Dans la foulée de la poursuite des Six et de l'Horloger, du Rituel et de la quête d'un moyen de mettre Loïa hors d'état de nuire, il n'a eu le loisir de poursuivre ce fil à son gré. De le savoir entre les mains d'Agliacci allégera sûrement sa conscience.

Un sourire malin naît sur son visage alors qu'une fois de plus son regard s'accroche au sien.

Alors dîtes-moi. Que pensez-vous de cette première chimère ? Jusqu'où la seriez-vous prête à la poursuivre ?


N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...

 
Agliacci

Le Sukra 3 Dasawar 1511 à 17h25

 
Et effectivement, c’est là remonter loin.

Des miroirs vers nulle part ? Répète la tydale, subjuguée par les déclarations de son confrère.

L’idée lui plaît, bien sûr. C’est éminemment paradoxal : qu’un objet censé vous réfléchir vous renvoie à ce « nulle part… » Une idée qui ne peut que lui plaire, elle qui a bâti sa vie sur cette simple expression.
Elle écoute avec attention tout ce qu’Antiorn a à lui dire, tâche de rétablir au plus vite les liens manquants à ses propres déductions et de donner du sens à son exposé. Bon, il ne s’agit pas de se noyer pathétiquement dans les développements de son Directeur de confrère…Sa main s’attarde autour de son verre, et son doigt vient en tracer le contour de verre ; un son cristallin s’en échappe.

Le dialogue se distend. Antiorn fume et Agliacci réfléchit.

Le menton dans la paume gauche et la main droite jouant sur le verre, la tydale apparaît l’incarnation de la frivolité et de la distraction. Et pourtant.
Finalement elle se décide à finir son verre et à agripper l’objet qu’Antiorn a fait glisser vers elle.
Drôle de petit alliage de métaux qui fascinent tant le Blanc Nelda…
Il disparaît dans sa main.
Coulisse entre ses doigts.
Coule dans sa manche.
Réapparaît enrobé d’un doux mouchoir rouge dans son autre paume.
Quant on y réfléchit bien, il y a là des raisons de s’y intéresser.

Avez-vous déjà entendu parler de cette devise pseudo-scientifique ? "Je ne forge point d'hypothèses" ? Eh bien, pour être sincère, ce n'est pas mon cas : je spécule, je glose, je théorise, j'interroge, j'induis, j'imagine...Néanmoins pour ce qui est de traquer vos chimères, je crains pouvoir affirmer que cela se fera jusque par-delà les mondes.

Elle rit soudainement.

Voilà que vous me transformez en Argonaute, Messire… ! Tout ceci est-il bien sage ? lance-t-elle, mutine.

Cela doit faire bien longtemps que vous possédez cet objet. La tour du Concile !...Rien que ça ! Comment S'sarkh avez-vous pu mettre la main là-dessus ? Enfin...
Avih Melrigil…absent, l’Edoar en vadrouille et le Limonaire croulant, le champ d’expérimentateurs possibles semble se réduire.
Permettez-moi de renverser la table pour un moment, et de me laisser vous poser une question :

Qu’avez-vous en tête, exactement, Messire ?

Elle remplit à nouveau les verres puis se laisse aller contre le dossier de sa chaise, la tête inclinée, souriante.


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Antiorn

Le Luang 5 Dasawar 1511 à 21h49

 
Oh... disons que je me suis laissé empoter...

Sourire énygmatique. En effet, Antiorn avait eu de grands plans d'avenir pour ce misérable bout de ferraille.

Je me suis mis en tête que si nous pouvions percer le mystère de ce métal et le lier à notre magie, la poussière pourrait un jour créer ses propres artefacts. Se bâtir ses propres outils et s'affranchir d'une certaine dépendance Nemen.

Léger rire.

Je sais, cela semble gros, mais comme je l'ai dit plutôt, je sèmes des graines et de la poussière.

Le blanc nelda tripatouille son verre, l'air songeur.
Son regard s'embrume alors qu'il se tourne vers le passé.

J'ai pensé pouvoir isoler le métal de l'alliage et ensuite l'harmoniser à un bâton de sourcier. Ainsi, j'aurais pu arpenter la surface du Grand Lac à la recherche d'une quelconque réaction du bâton harmonisé. C'était là la première étape.

La seconde était de céer une cloche d'air pour explorer les profondeurs du lac. Je comptais sur l'appui de symbiosés de l'Equillibrium pour bâtir un bateau plat et sur certains tchaes pour la cloche. Pour la lumière, Melrilgil et moi avons trouvé une façon d'enchanter des algues de feu pour accroître leur luminescence. Nous aurions ainsi pu éclairer notre expédition sous-marine sans vicier l'air de notre appareil. Et pour sauver du matériel, du temps de confection, de l'encombrement sur le lac, je me serais changé en souris dans cette cloche.

Mais je me suis heurté à une merveille d'obstacle: le savoir-faire Nemen. J'ai simplement été stupéfait de me rendre comte que ce misérable bout de tuyau ne peut être transformé. Que cet alliage ne peut être défait. En faisant ce tuyau, les Nemens l'ont non seulement façonné, ils ont inscrit son schéma dans la Trame de la Réalité. Ce tuyau est ce qu'il est. Brisé ou intact, il est un tuyau de la Tour du Concile. Et ils ont fait de sa nature un état immuable.


Antiorn se recale confortablement dans sa chaise et porte son verre à ses lèvres.

Voilà pour ce que j'ai fait jusqu'à présent. Beaucoup de rêves et quelques expériences sommaires. Comprenez que la venue du Tark'Nal à Arameth a quelque peu bouleversé mon emploi du temps. D'autant plus que je devais participer au Rituel. Et on ne peut ignorer si distingué visiteur...

Pour ce que je ferais maintenant... l'artiste en moi irait flanquer cette rognure architecturale au visage d'un Nemen des niveaux inférieurs de leur Terrier en leur demandant des excuses pour avoir osé figer ne serait-ce qu'une infime partie de ce monde. Le curieux chercheur amateur serait plus diplomate et leur demanderait comment renverser le processus, tout en prenant des notes. Le confrère que je suis reprendrait mon projet initial de nous affranchir des Nemens... au fil des siècles.

Encore une fois Antiorn rit.
Il rit de lui-même.
Lorsque formulés tout haut, ses projets ont des sonorités de délires.
Mais après tout pourquoi pas ?

Je crois que ce métal est une relique du temps des Eduens. Avant les Nemens, avant le P'Ken S'sarkh. Il y a maints fils des mystères que je poursuis depuis belle lurette qui touchent à cette matière. De la formation du monde que nous connaissons à partir de ce qu'il y avait avant nous en passant par les pilliers, les artefacts, la Tour qui s'est réveillée, alouette...

Comme vous j'induis, spécule, rêve, invente, extrapole, m'emporte et m'envole. C'est la seule façon de chasser la chimère. Un regard froid et calculateur ne voit que ce qu'il a devant lui. Nous sondons des forces qui proviennent d'au-delà de l'horizon, de l'autre côté du Rêve, de derrière les possibles.

Ces babioles ne sont que des tremplins.
Elles donnent la poussée de départ.
Le plongeon vous appartient.
Toujours.


N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...

 
Agliacci

Le Luang 5 Dasawar 1511 à 23h57

 

Agliacci hoche la tête.

Elle n’a pas l’air prompt à se moquer des délires d’Antiorn, même si elle semble s’étouffer mystérieusement avec son breuvage lorsque celui-ci mentionne la possibilité de se changer en petite souris dans un engin mécanisé par des tchaës au fin fond du Grand Lac. Oui, bon, elle manque juste s’écrouler de rire sur la table mais l’actrice se contient, malgré le frémissement révélateur de ses lèvres.

Peut-être est-ce parce que le blanc sieur a accepté de répondre à sa question, démontrant ainsi qu’on n’assistait pas à un interrogatoire unilatéral ; peut être est-ce l’enthousiasme qui la gagne alors qu’elle se rend compte qu’une petite partie de leurs pensées ont suivis le même chemin. Dans tous les cas, et quelle qu’en soit la raison d’origine, Agliacci s’ouvre sur le sujet :


« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque : à te regarder, ils s’habitueront », cite-t-elle avec un clin d’œil (le bleu.) Vous savez Messire, sans curiosité on meurt, sans courage on ne vit pas…

Pour être franche (mais pas tout à fait) il m’est de suite venu la même idée que vous…pas que ce soit un grand mérite dans les circonstances, mais oui, j’ai pensé à la possibilité de séparer ce fameux alliage...il m’a semblé que vous vous soyez entretenu principalement avec Melrigil sur le sujet, arcaniste je crois, et je me suis dit, eh bien, un autre artisan saurait peut-être mieux déjouer cette secrète alliance, en cerner les mystères…J’avoue avoir songé aux artisanes de lames de ma race, à ces donzelles sans un poil sur le caillou qui, malgré leur débilité quasi-congénitale et leur nombre de neurones inversement proportionnelle à la longueur de leurs épées, ont toujours été des femmes de fer et de métal. Certainement plus, en tout cas, que votre servante,
rajoute-t-elle avec prudence, au cas peu probable où on oserait la confondre avec une forgeronne.

Elle jette un regard curieux sur le nelda à ce stade de son discours. La politique d’Arameth a toujours été le mystère et il ne lui est pas inconnu que la conception de Syfaria telle que vue par les confrères se résument grosso modo à : ‘Syfaria ; pays remarquable où résident trois choses de trop : les Nemens, les autres Factions, et les comptables. ‘ Il paraîtrait évident qu’Antiorn dédaigne la possibilité de s’ouvrir à des intervenants étrangers sur le sujet mais la tydale ne peut s’empêcher de gratouiller là où ça fait mal, pour voir si.


Elle poursuit.

Il me semble que, dans l’histoire, celle d’Andromakus… ce furent les Piliers qui furent à l’origine d’un drastique changement dans la Trame de la Réalité de Syfaria toute entière… des Eduens eux-mêmes. Peut-être que ce métal est né de ce temps-là. De ces grands vaisseaux volants si peu décris, du savoir faire passé de ces êtres bizarres, de ces faisceaux destructeurs qui seraient émergés des Piliers qui pour nous symbolise la vie…Si, comme vous le dites, il caractérise des objets venus d’autre monde…qui ont tous la capacité de défier la réalité…peut-être trouvent-ils d’autres explications sur d’autres plans du monde.

Elle s’arrête un instant, semble réaliser quelque chose :

Mince, Antiorn, ce cycle-ci des dizaines de symbiosés ont vu des étoiles tomber…
Des étoiles qui dégringolent !


Puis balaie sa réalisation de la main.


Tant de choses inexplicables se produisent chaque jour en ce monde ! C’en est presque désespérant. Mais s’il y a juste quelque part où s’agripper dans cet océan de brumes – quelque chose à saisir, à comprendre – alors peut-être, peut-être que ça vaut le coup de l’agripper et de ne jamais le lâcher…

Elle regarde le morceau ennuyeux de métal qui tient la vedette du dialogue.
C’est vraiment peu de chose.


Peut-être que ça vaut le coup de plonger pour saisir sa chance, fait-elle doucement. Et c’est une aquaphobe qui vous dit cela !

Enfin, c’est bien dommage que votre découverte soit si ancrée à sa Trame.
Vous auriez été si charmant, en rongeur des mers…



Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Antiorn

Le Merakih 7 Dasawar 1511 à 18h11

 
Le directeur de comptoir pouffe de rire.

J'aurais été un bel appât pour les créatures de profondeurs du lac, oui ! Une petite cloche lumineuse au bout d'un fil, coulant à pic vers les profondeurs insondables des ondes... Mais il n'est de découverte sans risque.

On m'a un jour dit qu'il y a dans l'idéologie de chaque faction une vérité fondamentale. Je me suis entretenu avec l'Equillibrium, avec Fyridor, fondateur de l'Ordre. J'ai appris à arpenter le second monde à Korsyne, ai tenté de comprendre les dires de Batyias dans son jardin. Malgré leur réticences, je me suis acharné sans succès de sonder le Désordre. Même le roi Vortex est passé à travers ma loupe. J'ai cherché l'Horloger et les Six, me suis entretenu avec la Judicatrice d'Ulmendya.


Sourire amer.

Je n'ai pas encore trouvé le courage de me rendre au Matriarcat... une vieille mauvaise expérience me pèse...

J'en suis venu à la conclusion que nous avons tous faux. Et que ces chimères sont notre seul lien potentiel vers la Vérité. Et qu'elles nous ramèneront tôt ou tard à nous. À la Poussière. Celle qui tente de se faire une place dans un monde hostile et mortel. Celle qui s'entredéchire pour avoir raison. Divisés nous ne sommes rien. Ensemble nous pouvons déplacer des montagnes.


Trouvez-vous des alliés loin de la Confrérie. Loin d'Arameth. Le Matriarcat est un territoire hostile mais vierge pour nous.

Antiorn retourne à son verre et sirote, appuyant ses coudes sur la table et penchant vers l'artiste.
Il fronce les sourcils et saute du coq à l'âne.

Si jamais on retrouvait une de ces étoiles et qu'elle était faite de ce mystérieux métal... quelles seraient les implications selon vous ?

Il n'a pas de réponse à cette question.
Il la pose comme il la poserait à un égal.
Elle a visiblement décidé d'entrer dans la danse.
Alors elle est de cette trempe.


N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...

 
Agliacci

Le Vayang 9 Dasawar 1511 à 16h20

 
Agliacci les ressert, pensive.

La discussion est éminemment intéressante. Elle ne cessera sans doute jamais de ressasser les énigmes que lui fait entrevoir Antiorn. Tout ça mérite donc d’être copieusement arrosé et de se délier la langue, qu’on n’aura, par ailleurs, pas dans la poche.
Une vérité fondamentale…le terme la fait frissonner, à l’intérieur. Elle se remémore un aphorisme ; « Qui croit en la vérité est naïf ; qui n’y croit pas est stupide. La seule bonne route passe sur le fil du rasoir. » Insidieusement, l’artiste ne peut s’empêcher de s’interroger sur le côté où elle-même se trouve. Cacherait-elle une nature profondément naïve sous ses abords joyeusement blasés ? Sa volonté de vérité, si profonde, si essentielle, sa soif de comprendre saura-t-elle jamais ce qu’elle cherche, justement, à comprendre ? Et qu’est-ce que c’est, ce fil du rasoir, comment l’atteindre, comment y jouer… ? C’est d’ordinaire à ce moment de la conversation que la tydale aiguiserait un sourire et changerait de sujet avec son habileté coutumière – et sa lâcheté par en-dessous. Pour une fois, elle se laisse le temps de se poser la question et ne s’acharne pas à insuffler mots au silence. Elle ne tient plus à fuir. Chat Blanc, Chat Noir.


Nous sommes, à ce qu’il paraît, dans un nouvel âge, une nouvelle ère.

En très peu de temps, des intrigues qui se sont tissés en des centaines d’années se sont retrouvées malmenées, dévoilées, oubliées, perdues ; le monde -les ? – change, il change avec toute la beauté du mot, toute la puissance de ses ressorts les plus énigmatiques, et, pour une raison ou pour une autre, des poussiéreux se retrouvent mêlées au jeu par la symbiose…
Les Nemens sont en stase. Vous m’avez susurré vos exploits ; imaginez ceux qu’ont pu accomplir d’autres factions ; déjà, réunis, la Poussière a fait se rompre le Tark’Nal…
Il ne me paraît pas impossible que nous soyons sur le fil du rasoir. Que tout soit possible…
Comme nous ne savons pas ce qui est impossible ou non, nous allons le faire quoiqu’il arrive.
Alors pour vous répondre…eh bien…

Si ces étoiles se trouvaient être du même métal, alors je supposerai que, de la même manière que les miroirs des Obsessions, nous sommes un peuple enfermé dans un artefact, par une ceinture astrale. Ce seraient nous, elle désigne d’un geste vague l’ensemble de la taverne, qui constitueront l’autre côté du miroir, cette fois. Je ne me base encore une fois que sur les propriétés des objets dont vous m’avez parlé, et qui semblent à la fois contenir et ouvrir sur d’autres mondes, et influer directement sur la Trame…à la fois porte, à la fois prison. A la fois la règle et le moyen d’échapper à la règle.

Evidemment, il vaut mieux pour nous que cette règle ne soit pas dictée par les Nemens…


Puis elle s’arrête quelques instants.

Mais dites-moi, Antiorn…

Ce métal dont vous me parlez…n’a-t-il pas la capacité à générer des effluves ?
La Tour...était sujet d'étude à ce sujet, non ? Bâtie par le gisement du Grand Lac...?
Je me réfère à ces vieux fils de pensée qui croupissent dans nos pensées sombres...

…et vous-même, Antiorn, comment vous figurez-vous notre avenir ?



Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Antiorn

Le Dhiwara 11 Dasawar 1511 à 15h51

 
Il dodeline de la tête alors que sur le coin de sa bouche, jusqu'ici toujours souriante, se manifeste une pointe d'amertume.
Son regard se perd dans le lointain.
Il commence à être légèrement éméché.
Léger.

Il commence...
...et il a bien l'intention de se permettre une sale gueule de bois demain.

Nous entrons dans un nouvel âge... que nenni très chère...
Nous avons fait l'erreur de nommer l'âge dans lequel nous mettions les pieds.
Nous aurions dû nous contenter de figer le passé avec nos mots.
Et laisser l'avenir libre de toute définition.

Nous sommes dans l'âge de la Rédemption.
Nous quittons son antichambre pour entrer dans le vif du sujet.
Mais la Rédemption de qui ?
Par quel moyen ?
Il m'apparaît aujourd'hui que cette Rédemption n'est pas la nôtre.
Que nous devons payer les frais d'anciens péchés millénaires.

Nous devons nous battre becs et ongles pour survivre, coincés entre les deux armées des descendants d'ennemis oubliés d'un monde révolu. Alors oui, peut-être sommes-nous en cage comme les Obsessions. Enfermés sur une île dans une boule de cristal composée de notre firmament...

Son regard est devenu sombre.
Il se pince les lèvres.
Fronce les sourcils comme il le fait toujours lorsqu'il réfléchit.

Nous n'avons d'autres choix que de nous tapir dans l'Équillibre des forces de ces deux armées.
Et attendre notre heure.
Comprendre et utiliser ce savoir à bon escient.
La guerre contre le Tark'Nal et notre rituel a effrayé tous les camps.
Nous devrions être les plus terrorisés de tous.
Mais nous n'avons pas ce luxe.
Nous devons garder l'initiative...

Donc l'avenir est... incertain.
Terriblement dangereux, merveilleusement inconnu.


Son visage se détend.
Il porte son verre à ses lèvres et se délecte de ce doux nectar qui rend les révélations passées moins douloureuses et les futures, plus légères à anticiper.

Si ce métal pouvait générer des effluves, selon les Témoins, il serait le S'sarkh.
Seul le S'sarkh selon eux est source d'effluves.
Et les effluves sont partout.
La tour étudiait les effluves alors que ce nouveau monde était encore jeune.
Je ne sais le rapport exact de cette matière aux effluves, mais il y en a un.
Les effluves modifient la Trame subtilement et en profondeur, disent les Nemens.
Peut-être le lien est-il dans le fait que ce métal s'inscrit dans la trame différemment.
Et cela même me fait penser qu'il pourrait être un vestige du temps des Eduens.


N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...

 
Agliacci

Le Luang 12 Dasawar 1511 à 18h55

 
Agliacci observe Antiorn s’assombrir avec une évidente surprise.

Curieusement, elle se sent l’envie de tendre la main vers lui mais n’ose pas. Elle n’est pas encore assez saoule pour donner de grandes baffes dans les omoplates de ses camarades. Ses sourcils se froncent, seul signe de son inquiétude. Pourvu que le nelda n’ait pas l’alcool triste ! Et voilà qu’il lui donne du « très chère… » Se serait-il laissé influencé, par hasard, par la diction d’Edoar Edaregord, le maître ès « très chèr(e) » ? Néanmoins la sensation la frappe. La tydale qui est de nature sensible l’exacerbe sans doute, mais ne peut s’empêcher de s’y attarder…impolie, à tout prendre, mais sincère :


Vous aviez l’air triste, Messire. Je ne crois pas que vous devriez l’être.

Si la Poussière doit laver les péchés d’autrui, songez, Messire, songez que vous êtes bel et bien vivant, et que vous êtes acteur de la fin que l’histoire doit avoir…et quel acteur, encore ! Et non le seul…

Je ne sais avec quels mots dire cela mais c’est…une impression que j’aie.

Puisqu’il n’y a guère le choix, il faut bien espérer en vers et contre tout.
Je crois en la Poussière, Messire. Je crois en les êtres de vent. Eux seuls ont la mobilité et la liberté, la liberté épuisante mais la liberté tout de même. On ne devrait pas être triste d’être libre.


Elle sourit.

Enfin… !
Pour ce qui est de vos effluves, si les Témoins ont raison sur ce point les implications seraient énormes…!


La mine de la tydale se fait songeuse.

Vous parliez plus tôt de la Rédemption d’autrui…
Qui désignez-vous par là ? Le monde du S’sarkh et des effluves, ou celui des Eduens ?...et quelle place y tiendrait les peuples natifs, selon vous ?



Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

 
Antiorn

Le Matal 13 Dasawar 1511 à 16h44

 
Ce monde tel qu'il est est la conséquence d'actes terribles de races éteintes en un temps révolu.
Que deviennent les braises lorsque le feu s'éteint ?
Les cendres ? Les bûches ?
Le tout s'est-il envolé en fumée ?
Changé en cendres ?
Disparu dans les interstices ?
Ou simplement volatilisé ?


Le nelda agite la main comme pour balayer ces questions sans importances.

La lourdeur disparaît de ses épaules.
De ses traits.
Il ne sourit plus.
Il vogue entre deux eaux.
Son humeur est plate.
Ni joviale, ni triste.
Plate.
Et pourtant il s'agite comme un moineau.
Son corps tressaille et s'affaire sans qu'il ne s'en rende compte.

Il fait tourner son verre sur la table, se passe la main dans le cou, joue avec des écales de pistaches qui traînent sur la table. Tous les symptômes de la nervosité ou de l'entrain.

Le monde du S'sarkh et des effluves est le nôtre...

Nous sommes des étrangers oubliés de nos origines en ces terres.
Les races natives ont tous les droits de nous opposer résistance.
Nous respirons leur air.
Seules les villes Nemens nous ont protégé.
Et le Tark'Nal leur a flanqué une bonne correction devant Oriandre.
Nous serons tranquiles pour un moment.


Le directeur de comptoir rallume un cigare et observe la salle un moment.
La poussière qui perdure, s'agite et fait comme si la fin du monde était impossible.
C'est mieux ainsi.
Personne ne veut se faire rappeler sans cesse la fragilité de l'existence.

Certains racontent que les natifs sont des races anciennes, transformées par les Piliers.
Se souviennent-ils de ce qu'ils furent avant la grande métamorphose ?
Si c'est le cas, Armaryen n'en a jamais rien laissé paraître.
Et j'en doute. Ils n'ont pas meilleure idée que nous de ce qui était avant.
Mais leur nature est en harmonie avec ce mode.
Et la nôtre, non.



N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...

 
Agliacci

Le Merakih 14 Dasawar 1511 à 16h29

 

Une nuance plus blanche que le pâle.


Un monde originellement violé,
Qui se défend en transformant ce qui l’habite.
Un monde qui n’est pas qu’un,
Mais multiple.
Un monde qui est clos,
Mais composé de portes – dont nous n’avons pas les clés.
Un monde qui influe sur et qui est influé par,
Inexorable et pourtant saisissable.
Un monde dont l’histoire semble être modulée par les Piliers…,
murmure Agliacci, qui réfléchit tout haut.

Elle a l’air très pensive. Tout son visage paraît un point d’interrogation de chair – quant à savoir si cette description est flatteuse…Elle fait néanmoins office de calme créature comparé à son camarade de beuverie, et n’a pour le moment pas touché à son verre, une sorte de record chez la tydale.

Elle laisse son regard vairon couler sur Antiorn, sans vraiment le regarder.

La discussion est féconde en idées et en informations et, bien entendu, il est dans la nature des réponses d’attirer d’autant plus de questionnements, comme chacun le sait. Si la vérité n’était pas si pudique, les argonautes du savoir ne prendraient pas autant de plaisir à chercher à la voir nue. La Luthière a pour le moment l’impression que sa cervelle grésille derrière la barrière rassurante de ses paupières et sa bavardise naturelle se tarit, laissant place à une sorte de béatitude méditative. Ses répliques paraissent avancer plus lentement maintenant, sous-tendues par des réflexions plus internes.

Et dans tout cela, Messire, finit-elle par demander d’une voix étonnamment douce, quels rôles joueraient notre Terreau et notre légendaire Septième Horloge… ?

Elle ne touche toujours pas à son verre.


Comme si c'était la dernière fois. La première fois.

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