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Le Matal 16 Agur 1511 à 17h30
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| Dhiwara.
Antiorn est assis sur un banc de la place publique de Lerth, pipe au bec, soleil au visage.
Il laisse le temps couler un moment. Comme un chat, il se détend avant de bondir.
Il a averti ses confrères, chacun dissipé dans un quelconque recoin de la Scintillante.
Peut-être seront-ils de la partie.
Aujourd'hui le directeur de comptoir prend congé.
C’est habituellement dans ces moments-là que les choses avancent
Congé des rencontres, de la gestion de personnel, des tentatives de corruption sur sa personne, des tentatives de corruption de sa personne envers autrui, des cadeaux, des comptes, des lettres de crédits, des inventaires, des recherches de nouveaux produits, des mensonges, des caravanes entrantes, des supplications des marchands, des menaces, des signatures de documents officiels... Rien que d'y penser, il en a la tête qui tourne.
Le blanc nelda tire sur sa pipe et retient sa respiration un moment, humant les arômes riches de ce tabac hors de prix. Sourire. Aujoud'hui, Antiorn fait ce qu'il est réellement venu faire à Lerth.
Expiration.
Sa reprise du comptoir de Lerth n'a jamais été motivée par l'appât du gain, bien que sa bourse en aurait eu besoin tôt ou tard. Il est passé au Terreau parce que cela est un passage nécessaire pour devenir un jour Grand Chambellan. Il est passé au Terreeau parce que cela est nécessaire pour avoir un jour accès à cette pyramide au centre d'Arameth. Et il s’est terré à Lerth car Batyias est probablement le seul à pouvoir répondre à ses questions.
S'il est ici en ce moment, c'est d’abord et avant tout pour apprendre comment sauver Loïa.
Depuis son passage à Ulmendya et son audience auprès de l'assemblée des Nemens des niveaux supérieurs de la Cité-Puit, il est convaincu que la survie de l'île passe par l'élimination du danger nommé Loïa. Et comme il ne peut concevoir éliminer tel être ou se rendre dans un lieu tel que la Cité Maudite, il se dit que le sauver de la corruption serait probablement plus envisageable... ou plutôt moins impossible... Rien de moins…
Peu lui importe le sort du Nemen déchu en fait.
Peu lui importe le sort des armées du roi Vortex massacrées près d'Oriandre.
Seul lui importe le maintient d'un équilibre entre les troupes du P'ken S'sarkh, celles des Nemens et celles des races natives.
Un équilibre dans lequel la Poussière pourrait se blottir, se faufiler, se faire oublier.
Un équilibre dans lequel prospérer à nouveau.
Idéalement, un équilibre si précaire que la Poussière pourrait à elle seule faire pencher la balance.
Les braises de sa pipe s’attisent à nouveau et il laisse son regard errer sur les volutes de fumées qui dansent au gré du vent. Au loin, il entend des enfants jouer, quelques marchands clamer la valeur de leurs produits, des femmes échanger des nouvelles autour du puits. La vie.
Si les années suivantes ressemblent aux dernières, les factions n'assureront bientôt plus une descendance assez nombreuse pour leur continuité... sans compter le décompte des cités habitables qui a drastiquement chuté. Quelque chose doit changer.
Le confrère quitte son banc de pierre presque avec regret pour se diriger vers le temple. Il a assez tâté le pouls de ses habitants. Il est temps d’aller verbiller avec Batyias. Il redoute ce moment. Il sait que quelque part au creux de cet énigmatique personnage se trouve la réponse à leurs maux. D’un autre côté, ce secret sera jalousement gardé non par la mauvaise foi (il en aurait à la limite l’habitude), mais par le caractère unique et incommunicable du bonhomme. Et ça, il ne sait comment gérer ni comment s’y préparer.
Le temple est presque désert. Quelques adeptes prient en silence. Antiorn se dérobe par une porte latérale pour déboucher dans un petit jardin.
Le jardin du Kar’Nem S’sarkh à ce qu’on lui a dit.
N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...
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Le Matal 23 Agur 1511 à 23h27
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| Le jardin est somptueux.
Non pas un lieu ordonné et dans lequel la nature a ses droits et ses devoirs, mais un lieu de liberté.
Pas d'anarchie.
De pure liberté.
Les plantes, les arbres et les fleurs poussent là où elles le veulent, selon une volonté indicible.
L'ensemble est d'une pureté exceptionnelle.
Des allées se sont formées naturellement, des rangées de tomates qui se plaisent à s'aligner, des fleurs qui s'épanouissent en arrangements harmonieux.
Un jardinier est à l'oeuvre, c'est évident, mais il laisse à son oeuvre son panache, ne se l'approprie pas, en est juste l'artiste amadoué...
Batyias est là, on l'entend ruminer dans un coin près d'une petite mare.
Il a les pieds dans l'eau et semble vouloir écarter des nénuphars.
De petits poissons lui picorent le haut des jambes, et à bien y regarder Batyias les enguirlande doucement.
Il cherche quelque chose dans l'eau, ou alors il regarde simplement.
A l'arrivée d'Antiorn, il lève un oeil vers lui, puis reprend son activité aqueuse...
(Cette rencontre a lieu avant la rencontre dite des "cagettes", et après la première entrevue de Nelle avec Batyias)
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Le Luang 29 Agur 1511 à 19h09
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| Sans rien dire, Antiorn salue l'artiste d'un simple hochement de tête puis, toujours en silence, rejoint la mare. Toujours sans piper mot, il retire ses bottes et rejoint doucement Batyias, tentant de discerner ce qu'il est en train de manigancer avec plus de détails. L'eau fraîche lui lèche les pieds, puis les molets, les genoux. Ses robes flottent autour de lui donnant la vague impression d'une méduse azur.
Bakean lui aura au moins appri cela. Tant qu'à se retrouver dans une situation absurde ou incompréhensible, autant plonger sans gène. Si discuter avec le personnage est selon certains plus ardu que de faire entendre raison à Edoard lorsqu'il a son idée de faite, il n'est pas dit qu'interagir simplement ne sera pas instructif.
Sans piper mot, donc, Antiorn observe.
N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...
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Le Matal 13 Saptawarar 1511 à 02h07
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| "Ondulations éternelles d'une eau renversée par un souhait inachevé d'un être oublié."
À quelque part, il le sait depuis longtemps.
La vérité a toujours été fuyante, mais présente.
Depuis les Obsessions, qui avaient lancées le bal.
Puis le Concile, le Armaryen, Flymer, les Cités, Ulmendya, Syrtaï...
Depuis longtemps il sait que l'Âge de la Rédemption devrait être la rédemption de vieux péchés d'êtres aujourd'hui disparus.
Pas celle de la Poussière.
Mais le salut de cette dernière, de l'île même, passerait par la clôture de ce passé.
On ne lui avait simplement jamais formulé comme une telle évidence.
Un second spasme de rire secoue le Blanc Nelda l'espace d'un instant.
Il se retourne vers le Kar’Nem S’sarkh, ses robes ondulant sur l'eau.
Graines de Poussière, murmure-t-il autant pour lui-même que pour son interlocuteur.
Sans cette saugrenue habitude des graines de mourir sans eau, elles ne s'épanouiraient probablement pas à la lumière... vers la lumière... mais la vie perdure. Même quand elle s'écroule.
Antiorn se sent las.
Lourd, mais libre en même temps.
Il trouve une poésie dans la façon de s'exprimer de Batyias.
Il s'y abandonnerait bien.
Il se prend à rêver comme autrefois avec Achara.
Il avait cru avec elle un jour pouvoir poser le regard sur l'impossible. Ce qui fuit de l'autre côté du monde. Et que ce serait magnifique. Aujourd'hui, il croit plutôt que ce qu'il y trouverait serait une souillure immonde. Mais potentiellement le remède que ce monde espère depuis qu'il a fait peau neuve.
Le vieux rêve le rattrape. Différent.
Les calculs antérieurs ne sont plus.
Ou alors ils se taisent un moment.
Depuis ma naissance le péché d'un autre me pèse.
Pas que je sois sans reproche, loin de là.
Mais nous en avons tous hérité comme une tache des origines.
Je voudrais guérir ce monde.
Assainir ses racines.
Que les générations futures ne naissent plus jamais avec cette tache à l'âme.
Ce monde a tant souffert...
La vie perdure, mais il est temps qu'elle fleurisse.
Son regard parcourt le jardin, passant sur Crooot au passage.
Que le jardin saute la clôture.
N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...
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Le Julung 22 Saptawarar 1511 à 19h48
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| Peur ?
Lui ?
Bien entendu qu'il a peur.
Bien qu'on le qualifie le plus souvent de débonnaire, rassurant, imperturbable, flegmatique et autres qualificatifs de béatitude incarnée, Antiorn s'est en fait toujours appuyé sur deux forces motrices. La curiosité et l'inquiétude. Et cela lui a jusqu'ici plutôt réussi. Comme il est étrange de se faire percer en si peu de temps.
Mais le personnage n'est pas moindre.
Il a peur, donc. Cela est établi. Mais rarement pour sa propre pomme.
Peur pour la Poussière, pour Arameth, ou l'idée qu'elle a un jour représenté.
Peur pour Elle. Peur qu'Elle ne trouve pas tous les possibles auxquels Elle a droit.
Peur que la cruauté de ce monde ne fane Sa flamme.
Peur de La quitter, peur que rester auprès d'Elle ne soit suffisant pour La sauver...
... Elle et le reste du monde, tant qu'à y être...
Mais Elle.
Sombre miroir, reflet de Nuit.
Sombre lumière et reflet de son âme.
Ses yeux parcourent son environnement, nerveux.
Il cherche les mots.
Son regard se pose sur Crooot.
Crooot qui croque encore.
Pour lui aussi, tiens.
Pour que de tels êtres puissent continuer d'exister en paix.
Fiers inutiles, esthètes incompréhensibles, faibles oubliés.
Un sourire naît sur son visage.
Comme une aurore, il s'illumine progressivement.
Lentement, mais sûrement.
Comme un félin qui s'étire, exagérément, théâtralement, le confrère s'incline.
Sa truffe pointe la mare délicatement, créant des sillons circulaires.
En se relevant, un regard vert pétillant accroche celui de Batyias.
Je m'en remets à votre sagesse, Kar’Nem S’sarkh.
Même si je rêve d'un monde sans passé, je cajolerai maladie et folie.
Pointez-moi la direction de ces fleurs et je tâcherai de joindre ma peur à leur vent.
Et d'ailleurs l'ouverture vers le sujet spécifique est là.
Croyez-vous qu'il peut en être de même pour Loïa ? Peut-il accepter la douleur, le changement, la maladie... sans tomber dans la rage et la folie? Ou est-il trop tard pour lui ?
N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...
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Le Matal 27 Saptawarar 1511 à 18h25
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| Le Blanc Nelda dodeline de la tête alors que toute son attention est portée sur chaque mot qui sort de la bouche de Batyias. À défaut de tout digérer de suite, il s'en gardera pour la route. Empoignant ses robes, il retrouve la terre ferme, traînant avec lui quelques nénuphars au passage. Trempé de la ceinture aux pieds, il donne un spectacle auquel il est peu accoutumé.
Je crois comprendre..., lance-t-il au jardin en général.
Son regard passe de Crooot, au ciel, au temple, à la mare, au Kar’Nem S’sarkh.
... le tout est de lui donner une raison...
Ce genre de chemin est habituellement sinueux. Et il s'il a maintenant confiance qu'un dénouement heureux est possible, il se demande toujours vers quels lieux ses pas le porteront cette fois-ci. Un impression qui n'est pas désagréable. Son destin est maintenant lié à ces mystérieuses fleurs. Reprenant les paroles de son interlocuteur, Antiorn se met en tête d'arranger la rencontre afin de lever le voile sur l'identité de ceux qu'il devra soutenir de... sa peur...
Quand pourrai-je retrouver ces fleurs qui s'épanouissent et apportent du vent dans les ramures ? Il me tarde déjà de faire la rencontre de tels êtres et d'apporter ma pierre, mon eau, ma brise, à l'entreprise est devant nous.
N'est impossible que ce à quoi on se défend de rêver...
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